32.
L'homme qui aimerait le bien avant d'avoir fait l’épreuve du mal, en d'autres termes, qui se déterminerait à ne s'en détacher jamais, sans avoir même senti le regret de sa perte, serait au-dessus de la nature humaine. Ce privilège doit être extraordinaire, puisqu'il n'appartient qu'à l'enfant qui, sorti de la race d'Israël, a reçu le nom d'Emmanuel, ou de Dieu avec nous 1, et nous a réconciliés avec Dieu; en d'autres termes au Médiateur, entre Dieu et l'homme 2, à celui qui est le Verbe dans le sein de Dieu et l'homme au milieu de nous 3, celui qui s'est interposé entre nous et Dieu. C'est de lui que le prophète a dit: « Avant que cet enfant sache le bien et le mal, il rejettera le mal pour choisir le bien 4. » Mais comment rejeter ou choisir ce qu'on ne sait pas encore, s'il n'y avait une double voie pour connaître, le bien et le mal, la raison et l'expérience? L'idée du bien sert à faire connaître le mal, quand même on n'en ferait pas l'expérience; réciproquement l'idée qu'on acquiert du mal par la pratique donne celle du bien: on connaît. en effet l'étendue de sa perte, quand on en subit les tristes conséquences. Ainsi, avant de savoir par expérience le bien qu'il pourrait sacrifier, ou le mal que lui ferait sentir la perte du bien, l'Enfant dédaigna le mal pour choisir le bien : il ne voulut pas sacrifier son avantage, de peur d'être éclairé sur sa valeur en le perdant. C'est là un exemple unique d'obéissance : aussi cet Enfant, loin de faire sa volonté est « venu faire la volonté de Celui qui l'envoyait 5; » tandis que l'homme a mieux aimé suivre sa volonté que les ordres de son Créateur. « De même donc que par la désobéissance d'un seul tous ont été faits pécheurs, de même par l'obéissance d'un seul tous deviennent justes 6. » Et « si tous meurent en Adam, tous seront vivifiés en Jésus-Christ 7. »