22.
Comment croire en effet qu'il aurait vécu heureux dans la bienheureuse société des Anges, puisqu'il ne connut à l'avance ni sa faute ni son châtiment, ni sa rébellion ni son supplice parle feu éternel? On pourrait se demander pourquoi il n'en fut pas instruit. En effet, les saints anges n'ont aucun doute sur leur existence et leur bonheur éternels : le doute serait-il compatible avec leur félicité? Faut-il dire que Dieu n'a pas voulu lui révéler et son crime et sa punition, à l'époque où il était encore un bon ange, tandis qu'il avait découvert aux autres leur éternelle fidélité ?Alors son bonheur, loin d'être égal à celui des autres, aurait été imparfait, puisque la souveraine félicité pour les anges consiste à la posséder avec une certitude qui exclut la plus légère inquiétude. Mais quelle faute avait-il commise pour que Dieu le mit à part et lui cachât son sort ? Loin de nous l'idée que Dieu eût puni Satan avant son péché: il n'a jamais condamné l'innocence. Aurait-il appartenu à un ordre d'Anges moins élevé, auxquels Dieu n'aurait pas révélé ce qu'ils deviendraient? Je ne vois pas, je l'avoue, ce que peut être une félicité dont on n'est pas assuré. On a dit que Satan n'appartenait pas à la hiérarchie des Anges placés au-dessus du ciel, et qu'il avait été créé parmi ceux qui occupent les régions inférieures, selon le rôle qui leur est assigné. De tels Anges, en effet,. auraient . pu éprouver des émotions illégitimes, tout en ayant la liberté d'y résister, s'ils l'avaient voulu : ils auraient ressemblé au premier homme, avant que la peine de sa faute se fût glissée dans tout son corps, peine dont la grâce fait triompher les saints à force de piété , lorsqu'ils restent humblement soumis à Dieu.