19.
Voilà bien des acceptions : cependant nous n'avons emprunté à aucune d'elles le sens que nous attachons ici au mot spirituel, nous le tirons d'un passage de l'épître aux Corinthiens où l'esprit est nettement distingué de la raison. « Quand je prie avec la langue, c'est mon esprit qui prie, ma raison n'en retire aucun fruit. » La langue désigne ici les pensées obscures et mystérieuses qui sont incapables d'édifier, quand on ne les saisit pas avec la raison, puisqu'elles n'offrent alors aucun sens. Aussi avait-il déjà dit : « Celui qui parle avec la langue, ne parle pas aux hommes, mais à Dieu; personne ne le comprend, mais par l'esprit il dit des choses mystérieuses. » Par conséquent, la langue ne sert ici qu'à désigner les pensées qui sont comme une image et un portrait des choses et qui demeurent inintelligibles à moins d'être connues par la raison. Tant qu'elles restent inintelligibles, elles résident dans l'esprit et non dans la raison: aussi dit-il plus clairement encore : « Si tu pries en esprit, comment l'ignorant pourra-t-il répondre : Amen à ta bénédiction, puisqu'il ne comprend pas ce que tu dis? » Ainsi, il s'est servi du mot langue, cet instrument qui en frappant l'air produit les signes des idées sans exprimer les idées elles-mêmes, pour désigner métaphoriquement toute émission de signes avant qu'ils n'aient été saisis par l'intelligence : la conception des signes, qui relève de la raison, a-t-elle eu lieue alors il y a révélation, intuition, prophétie, science. C'est en ce sens qu'il dit: « Moi-même, mes frères, si venant parmi vous, je vous parlais des langues inconnues, de quelle utilité vous serais-je, si je ne joignais à mes paroles ou la « révélation ou la science, ou la prophétie ou la doctrine 1 ? » En d'autres termes il faudrait avoir recours aux explications, faire comprendre le sens de ce qu'on dit en langues inconnues, afin que la puissance de la raison s'unisse à celle de l'esprit.
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I Cor. XIV, 14, 2, 16, 6. ↩