54.
Ici l'âme est soustraite à l'influence des sens et ne voit plus que les images telles que l'esprit les conçoit : supposez de même qu'elle soit soustraite à l'influence de l'imagination et ravie dans la région des vérités purement intelligibles où la vérité apparaît dégagée de toute image matérielle, de tous les nuages dont l'enveloppent les fausses opinions; à cette hauteur ses vertus s'exercent sans peine ni fatigue. L'énergie devient inutile à la tempérance, pour dompter les passions, au courage, pour soutenir les coups de l'adversité, à la justice, pour châtier le mal, à la prudence, pour éviter l'erreur. La vertu se réduit toute entière à aimer ce qu'on voit; la félicité souveraine consiste à posséder ce qu'on aime. Là se puise à sa source le bonheur dont quelques gouttes seulement arrivent jusqu'à la vie humaine pour lui faire traverser les tentations du monde avec tempérance, courage, justice., prudence. Ce repos sans mélange d'inquiétude, cette vue ineffable de la vérité, voilà, en effet, le but suprême où tendent tous nos efforts à triompher des plaisirs, à vaincre l'adversité, à soulager la misère d'autrui, à résister aux séductions. Là on contemple Dieu dans ses clartés, et non plus à travers les nuages d'une vision sensible, comme au mont Sinaï 1, ou les symboles d'une vision spirituelle, comme celles d'Isaïe 2, ou de Jean 3 : on le voit face à face et sans voile, tel que l'âme humaine peut le comprendre, tel que sa grâce le découvre à ceux qu'il juge dignes de participer plus ou moins intimement à l'entretien où il parle directement, je ne dis pas aux sens, mais à l'intelligence.