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Mais cette question, que nous débattons en cherchant la vérité avec ou sans succès, ne doit pas nous faire oublier qu'il est temps de terminer ce long ouvrage. Nous avons ouvert cette discussion sur le Paradis à propos du passage où l'Apôtre dit qu'à sa connaissance un homme fut ravi jusqu'au troisième ciel sans savoir si ce fut avec son corps on en dehors de son corps, qu'il fut ravi jusqu'au Paradis où il entendit des paroles ineffables que l'homme ne peut entendre; et nous ne voulons pas affirmer témérairement que le Paradis est dans le troisième ciel, ou que cet homme fut ravi au troisième ciel d'abord, ensuite transporté dans le Paradis. Puisque le mot Paradis, qui à l'origine signifie parc, est devenu une métaphore pour désigner tout séjour même spirituel où l'âme est heureuse, on peut appeler ainsi non-seulement le troisième quel qu'il soit, avec son élévation et ses grandeurs, mais encore la joie qu'une bonne conscience inspire à l'homme. C'est ainsi que l'Eglise est nommée le paradis de tous ceux qui vivent dans la tempérance, la piété, la justice 1, paradis qui est une source de grâces et de pures délices: au milieu même des tribulations on s'y glorifie, on se réjouit de la patience, « parce que les consolations de Dieu y proportionnent la joie à la multitude des douleurs qui affligent le cœur 2. » Combien donc est-on plus fondé encore à appeler de ce nom le sein d'Abraham où l'on ignore les tentations, où l'on trouve le repos après toutes les misères de cette vie? Là aussi règne une lumière vive et propre à ce séjour; de l'abîme de tourments et de ténèbres où il est plongé, le riche peut la voir malgré un intervalle immense, et reconnaître à sa clarté le pauvre qu'il avait autrefois dédaigné.