LIV. (Ib. XXI,15-18.)
Paroles de l'Ange à Agar. — « Et l'eau manqua dans l'outre et elle laissa l'enfant sous un sapin, et elle s’éloigna et elle s'assit vis-à-vis de lui à la distance d'un trait d'arc; car elle disait: Je ne verrai point la mort de mon fils, et elle s'assit en face de lui. Or l'enfant jeta un cri et pleura; et Dieu écouta la voix de l'enfant du lieu où il était; et un Ange de Dieu appela Agar du ciel et lui dit: Agar, qu'y a-t-il? ne crains rien, car Dieu a entendu la voix de ton fils du lieu où il est. Lève-toi et prends l'enfant et tiens-le par la main : parce que je le ferai chef d'un grand'peuple. » On a coutume de demander comment la mère put laisser sous un arbre cet enfant qui avait plus de quinze ans, et s'en alla à la distance d'un trait d'arc, pour ne pas le voir mourir. Il semble en effet qu'elle l'ait porté et déposé à terre ; c'est le sens que parait présenter le texte, surtout quand on lit plus loin : « L'enfant pleura. » Mais il faut comprendre que la mère l'abandonna, non après l'avoir porté, mais, ainsi qu'il arrive par désespoir, comme s'il allait mourir. Portait-on celui qui a dit ces paroles de l'Ecriture : « J'ai été laissé loin de vos yeux 1 ? » Et ne dit-on pas tous les jours dans le langage ordinaire qu'on laisse loin de soi un familier quand pour ne plus le voir on cesse de l'admettre en sa compagnie ? Il faut donc entendre ici ce que l'Ecriture ne dit pas : que la mère s'éloigna de son fils, pour que l'enfant ignorât où elle s'était retirée, et qu'elle se cacha dans la profondeur de la forêt, pour ne pas avoir sous ses yeux son fils mourant de soif. Quant à lui, qu'y a-t-il d'étonnant que même à son âge, il ait pleuré, privé qu'il était depuis longtemps de la vue de sa mère, qui l'avait pour ainsi dire perdu, et laissé seul en cet endroit ? Les paroles suivantes : « Prends l'enfant » ne signifiaient donc pas qu'Agar dût le relever du sol où il gisait, mais qu'elle devait le rejoindre et le tenir par la main, suivant ce qui se pratique à l'égard d'un compagnon, et il en était un : c'est ce que font souvent ceux qui cheminent ensemble, de quelque âge qu'il soient.
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Ps. XXX, 23 ↩