15.
Mais il est temps de voir quelle prière nous impose Celui par qui nous apprenons ce que nous devons demander et nous obtenons ce que nous demandons. « C'est ainsi donc que vous prierez, nous dit-il : Notre Père, qui êtes dans les cieux, que votre nom soit sanctifié; que votre règne arrive; que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel; donnez-nous aujourd'hui notre pain quotidien, et remettez-nous nos dettes comme nous remettons nous-mêmes à ceux qui nous doivent, et ne nous induisez pas en tentation, mais délivrez-nous du mal. » Toutes les fois qu'on prie, il faut d'abord gagner la bienveillance de celui à qui on s'adresse, ensuite exposer l'objet de sa demande. Or, on gagne la bienveillance de celui qu'on prie, en faisant son éloge, et cet éloge le place ordinairement au commencement de la prière. Pour cela le Seigneur nous ordonne simplement de dire : « Notre Père qui êtes dans les cieux. A Bien des choses ont été dites à la louange de Dieu; quiconque lit les saintes Ecritures les y trouvera partout et sous des formes différentes; et cependant on ne voit nulle part que le peuple d'Israël ait reçu ordre de dire Notre Père, ou de prier Dieu le Père; on lui donne l’idée de Dieu comme d'un Maître commandant à des esclaves, c'est-à-dire à des hommes qui vivent encore selon la chair. Je parle du moment où ils recevaient les préceptes de la Loi avec l'ordre de les observer; car les prophètes montrent que souvent notre Seigneur aurait pu être leur Père, s'ils ne s'étaient pas écartés de ses commandements. Tel est ce passage, par exemple : « J'ai engendré des enfants et je les ai élevés, et ils se sont révoltés contre moi 1; » et cet autre : « J'ai dit : vous êtes des dieux, vous êtes tous les enfants du Très-Haut 2 ; » et celui-ci encore : « Si je suis votre maître, où est votre crainte de moi ? si je suis votre Père, où sont mes honneurs 3 ? » et une foule d'autres où l'on reproche aux Juifs prévaricateurs de n'avoir pas voulu être enfants de Dieu. Nous exceptons les textes qui s'appliquent prophétiquement au futur peuple chrétien en tant qu'il devait avoir Dieu pour Père, conformément à ces paroles évangéliques : « Il leur a donné le pouvoir d'être faits enfants de Dieu 4. » De son côté, Paul l'Apôtre dit : « Tant que l'héritier est enfant, il ne diffère point d'un serviteur; » puis il rappelle que nous avons reçu l'Esprit d'adoption dans lequel nous crions : Abba, Père 5. »