56.
En effet quand nous cherchons premièrement le royaume de Dieu et sa justice, c'est-à-dire quand nous les mettons au dessus de tout le reste au point de ne chercher dans tout le reste qu'un moyen de les obtenir, alors nous ne devons pas craindre de manquer de ce qui est nécessaire en cette vie pour parvenir au royaume de Dieu. Car plus haut le Seigneur a dit : «Votre Père sait que vous en avez besoin. » Aussi, après avoir dit : « Cherchez premièrement le royaume de Dieu et sa justice, » il n'ajoute point : cherchez ensuite ces choses ; bien qu'elles soient nécessaires ; mais il dit : «Et toutes ces choses vous seront données par surcroît, » c'est-à-dire vous arriveront, si vous les cherchez sans ,vous en mettre en peine ; pourvu qu'en les cherchant, vous ne vous détourniez point du but ; que vous ne vous proposiez point deux fins, d'abord le royaume de Dieu pour lui-même et ensuite ces choses nécessaires, mais que vous cherchiez celles-ci en vue de celui-là : dans ce cas, elles ne vous feront point défaut. La raison en est que vous ne pouvez servir deux maîtres. Or c'est servir deux maîtres que de chercher le royaume de Dieu comme un grand bien, puis ces objets temporels. On ne peut avoir l'oeil simple, ni servir Dieu comme seul maître, si on ne rapporte tout le reste, même le nécessaire, à ce but unique, c'est-à-dire au royaume de Dieu. Mais comme tout soldat reçoit une ration et une solde, ainsi tous ceux qui évangélisent reçoivent la nourriture et le vêtement. Seulement tous les soldats ne se battent pas pour le salut de la république ; il en est qui ont en vue leur salaire. Ainsi tous les ministres de Dieu ne se proposent par le salut de l'Eglise : il en est qui cherchent les avantages temporels, comme qui dirait leur ration et leur solde ; ou même se proposent les deux buts à la fois. Mais on l'a dit plus haut : « Vous ne pouvez pas servir deux maîtres. » Nous devons donc faire du bien à tous avec un coeur simple, seulement en vue du royaume de Dieu, et non pour nous procurer des avantages temporels soit uniquement, soit conjointement avec le royaume de Dieu : avantages que le Seigneur renferme sous le nom de lendemain, quand il nous dit : « Ne soyez point inquiets du lendemain. » Car ce mot n'a d'application que dans le temps, où l'avenir succède au passé. Par conséquent, quand nous faisons quelque chose de bien; ne songeons point aux choses du temps, mais à celles de l'éternité ; alors l'oeuvre sera bonne et parfaite. « En effet, continue le Seigneur, le jour de demain sera inquiet pour lui-même ; » c'est-à-dire prenez votre nourriture, votre boisson, votre vêtement quand il faudra, quand la nécessité s'en fera sentir. Car tout se trouvera là, puisque notre Père sait que nous en avons besoin. « A chaque jour, dit le Seigneur, suffit son mal ; » c'est-à-dire il suffit que la nécessité vous force à user de ces choses. Quant (306) au mot de mal, je pense qu'il a été 'choisi pour nous indiquer que c'est une punition pour nous, puisque c'est le résultat de la fragilité et de la mortalité que nous nous sommes attirées par le péché 1. N'aggravez donc pas encore le poids de ce châtiment ; en ne vous contentant pas de subir des besoins temporels, mais en cherchant dans le service de Dieu les moyens d'y satisfaire.
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Rét. L. I, ch. XIX. n. 6. ↩