V.
Comment Joseph put-il avoir deux pères 1. — Cette question n'est point absurde. Saint Matthieu dit que Joseph fut engendré par Jacob 2, et saint Luc dit qu'il est fils d'Héli. On ne peut résoudre cette difficulté en disant que le même personnage portait deux noms, comme c'était l'usage quelquefois chez les Gentils et chez les Juifs. La série des autres générations est une réfutation péremptoire de ce genre de solution. Car comment expliquer pourquoi les noms de l'aïeul, du bisaïeul, du trisaïeul, et des autres ancêtres sont différents dans les deux Evangélistes ? Comment expliquer la différence dans le nombre des générations? Saint Luc en compte quarante-trois, remontant de Notre-Seigneur à David. Saint Matthieu, descendant de David à Notre-Seigneur, en compte vingt-sept ou vingt-huit; et, pour une raison mystérieuse, le nom qui termine la série des générations qui viennent aboutir à la captivité de Babylone, se trouve répété comme le premier de celles qui commencent au retour de la captivité. La question de savoir en quel sens Joseph put avoir deux pères, n'est donc pas résolue. Je vois trois hypothèses parmi lesquelles il peut s'en trouver une qui se rapporte à la pensée de l'Evangéliste. Ou bien Joseph eut un père adoptif outre son père selon la nature;-ou bien en vertu de la coutume d'après laquelle chez les Juifs lorsqu'un homme était mort sans enfants, son plue proche parent épousait sa veuve et faisait remonter au défunt tous les droits de la paternité à l'égard du fils issu de ce mariage 3; Joseph appartenait à un autre qu'à celui dont il avait reçu la vie, et reconnaissait ainsi véritablement une double paternité ; ou bien l'un des Évangélistes a désigné le père qui donna le jour, et l'autre a désigné un aïeul maternel, ou quelqu'un des ancêtres dont Joseph, à cause des liens de parenté, pouvait être appelé le Fils, sans aucune invraisemblance. Dans cette hypothèse la généalogie de saint Luc jusqu'à David serait différente de la généalogie de saint Matthieu. — La seconde de ces explications parait moins solide, car lorsqu'un homme chez les Juifs avait eu un enfant de la veuve de son frère ou d'un proche parent, le nom de l'époux défunt était donné à cet enfant 4. La difficulté sera donc résolue par l'hypothèse de l'adoption, ou bien en admettant que l'une des généalogies suppute les ancêtres collatéraux, ou d'une toute autre manière qui échappe à notre pensée. Mais quelle folie et quelle extrémité d'accuser un Evangéliste de mensonge, au lieu de chercher une explication à cette différence dans le nom des ancêtres dit Christ? Ce serait une témérité déjà, de prétendre qu'il n'y ait que deux solutions possibles. Une seule pourtant suffit pour faire évanouir toute difficulté,.