21. Récompense temporelle, des observances légales 1.
Dans ces mots : « Car tous ceux qui s'appuient sur les oeuvres de la loi sont sous la malédiction, » sous la malédiction signifie sous le joug de la crainte et non en liberté ; attendu qu'une vengeance temporelle et actuelle menaçait tous ceux qui ne se maintenaient point, pour les pratiquer, dans toutes les observances que prescrivait le livre de la Loi ; et que de plus on voyait dans ces châtiments corporels la honte redoutable d'une malédiction. Mais pour être justifié devant Dieu, il suffit de le servir gratuitement, c'est-à-dire sans le désir d'obtenir de Lui et sans la crainte de perdre autre chose que Lui. Car en lui seul est notre vraie et parfaite béatitude; et comme il est invisible aux yeux du corps, c'est par la foi que nous le servons tant que nous sommes retenus dans cette chair. « Si je vis maintenant dans la chair, a dit plus haut l'Apôtre, je vis en la foi du Fils de Dieu 2;» or cette vie fait la justice, car il dit expressément : « Le juste vit de la foi ; » et cela pour montrer que nul ne trouve sa justification dans la Loi.
Ainsi donc il faut ici entendre par la Loi ce qu'ici même il nomme les oeuvres de la Loi, en parlant de ceux qui sont soumis à la circoncision et aux autres observances de même nature, et dont aucun ne vit dans la Loi sans vivre sous la Loi. Une preuve que maintenant il appelle Loi les oeuvres mêmes de la Loi, c'est ce qu'on va voir dans la suite du texte. « La Loi ne s'appuie pas sur la foi, dit-il en effet ; au contraire celui qui observera ces préceptes vivra par eux. » Nous ne lisons pas : Celui qui l'observera vivra par elle ; et c'est ce qui doit te convaincre que la Loi désigne ici les œuvres de la Loi. Comme ceux qui vivaient par ces œuvres craignaient de subir, en ne les accomplissant pas, soit le supplice de la lapidation ou de la croix, soit tout autre châtiment analogue, il s'ensuit qu'il est dit avec raison : « Celui qui les accomplira vivra par elles; » en d'autres termes, obtiendra pour récompense de n'être pas puni de cette espèce de mort. Conséquemment il n'est pas justifié devant Dieu, puisqu'en mourant après avoir vécu de foi en lui, c'est lui surtout que l'on parviendra à posséder et à contempler de tout près comme récompense suprême. Conséquemment encore on ne vit pas de la foi quand le désir ou la crainte se bornent aux choses présentes qui frappent la vue ; car la foi divine a pour objet les biens invisibles dont on ne jouira que plus tard.
Aussi bien y a-t-il dans ces oeuvres légales une espèce de justice, puisqu'elles ne sont pas sans récompense, puisqu'en les accomplissant on vivra par elles. Voilà pourquoi l'Apôtre écrit aux Romains : « Si Abraham a été justifié part les oeuvres, il a de quoi se glorifier, mais non pas devant Dieu 3. » Il y a donc une différence entre n'être pas justifié et être justifié devant Dieu. N'être aucunement justifié, c'est ne faire ni ce qui mérite récompense temporelle, ni ce qui mérite récompense éternelle; mais être justifié par les oeuvres de la Loi sans être justifié devant Dieu, c'est avoir droit à une récompense temporelle et sensible; ce qui est, je le répète, comme une justice terrestre et charnelle; aussi l'Apôtre donne-t-il le nom de justice à la fidélité à ces observances, quand il dit ailleurs que quant à la «justice de la Loi, il a vécu sans reproche 4. »