27.
« Pour moi», à qui ils voulaient tant de mal; « pour moi », dont ils cherchaient l’âme afin de la perdre; et, pour parler de cette autre catégorie: « Pour moi », à qui tous criaient : Courage ! courage ! pour moi, « je suis pauvre et dans l’indigence ». Il n’y a rien en moi que l’on puisse louer. Que Dieu déchire mon sac, et me couvre du vêtement de sa gloire. « Je vis, non pas moi, mais le Seigneur vit en moi1 ». Si le Christ vit en toi, si le bien qui est en toi vient du Christ, tout ce que tu as est du Christ. Qu’es-tu donc par toi-même? « Je suis pauvre et dans l’indigence ». Je ne suis point riche, puisque je ne suis point superbe. II était riche celui qui disait: « Seigneur, je vous rends grâces de ce que je ne suis point comme les autres hommes2 » ; mais il était pauvre ce publicain qui disait : « Seigneur, ayez pitié de moi qui suis un pécheur ». L’un rejetait le trop plein de son âme, l’autre pleurait à la faim. « Je suis pauvre et dans l’indigence ». Et que deviendras-tu avec ton indigence et ta pauvreté? Va mendier à la porte du Seigneur; frappe et l’on t’ouvrira. « Je suis pauvre et dans l’indigence; mais le Seigneur prendra soin de moi. Jette dans le Seigneur tes angoisses, espère en lui et il fera le reste3 ». Pourquoi te charger de toi-même? Comment pourvoir à tes besoins? Abandonne ces soins à celui qui t’a fait. Si, même avant que tu fusses, il a pris soin de toi, comment t’abandonnerait-il, maintenant que tu es ce qu’il te voulait? Car déjà tu es fidèle et tu marches dans les voies de la justice. Il t’abandonnerait, « Celui qui fait luire son soleil sur les bons et sur les méchants, et pleuvoir sur les justes et sur les injustes4 », alors que dans ta justice tu vis de la foi? il pourrait te mépriser5, te négliger, te rejeter? Loin de là, puisqu’il a soin de toi dès ce monde; il te vient en aide, il te donne ce qui est nécessaire, écarte ce qui est nuisible. Te donner, c’est te consoler, pour que tu demeures ferme; te reprendre, c’est te châtier, de peur que tu ne périsses. Le Seigneur a donc soin de toi, ne t’inquiète point. Il te porte, celui qui t’a fait ; garde-toi d’échapper à la main de ton Créateur; échapper à cette main, c’est te briser dans ta chute.
C’est l’effet de la bonne volonté que tu de. meures dans les mains de ton Créateur. Dis alors: Mon Dieu l’a voulu, il me portera, il me soutiendra. Jette-toi donc dans ses bras: ne crois pas t’y précipiter comme dans le vide; loin de toi cette pensée. C’est lui qui a dit: « Je remplis le ciel et la terre6». Il ne te manquera nulle part; pour toi, ne lui manque jamais, ne te manque pas à toi-même.