4.
« Qu’il ne le livre point entre les mains de son ennemi1 ».Cet ennemi, c’est le diable. Que nul, en entendant ces paroles, ne pense à aucun homme qui serait son ennemi. Déjà peut-être il pensait à son voisin, à tel autre avec lequel il est en procès, à celui-ci qui veut le dépouiller de son bien, à celui-là qui veut le forcer à vendre sa maison. Loin de vous ces pensées ; mais pensez à celui dont le Seigneur a dit : « C’est l’homme ennemi qui a fait cela2 ». C’est lui, cet ennemi qui veut se faire adorer en vue des biens de la terre, dans son impuissance à renverser le nom chrétien: il se voit en effet distancé par la gloire et la renommée du Christ; il voit, qu’égorger des martyrs, c’est leur procurer une couronne et un triomphe sur lui-même, qu’il ne réussit à persuader aux hommes que le Christ n’est rien, qu’il lui est difficile de tromper en déshonorant le Christ, et il s’efforce de tromper en le comblant d’éloges. Quel était jadis son langage ? Quel homme adorez-vous? un Juif mort, un crucifié, un homme de rien qui n’a pu se défendre du trépas. Mais quand il a vu le genre humain accourir au nom du Christ, et au nom du crucifié les temples renversés, les idoles brisées, les sacrifices éteints, les hommes comprendre que tout cela est prédit dans les Prophètes, s’éprendre d’admiration et fermer leur coeur à toute injure contre le Christ, il s’est revêtu des louanges du Christ et a pris un autre moyen de nous détourner de la foi. Elle est belle, dit-il, cette loi des chrétiens, elle est puissante, elle est divine, ineffable; mais qui la peut accomplir? Au nom de notre Sauveur, mes frères, foulez aux pieds le lion et le dragon3 ! Dans ses blasphèmes insolents, c’était le lion qui frémissait; dans ses éloges astucieux, c’est le dragon qui tend des embûches. Qu’ils embrassent la foi, ceux qui avaient quelque doute, et qu’ils ne disent pas: Qui peut accomplir cette loi ? S’ils comptent sur leurs forces, ils ne l’accompliront point. Mais qu’ils croient en se reposant sur la grâce de Dieu, qu’ils viennent dans cette confiance, qu’ils viennent chercher du secours, et non leur condamnation. C’est au nom du Christ que vivent tous les fidèles; chacun selon son état accomplissant les préceptes du Christ, voit dans le mariage, soit dans le célibat, soit dans la virginité, ils vivent autant que Dieu leur donne de vivre ; ils ne présument point de leurs forces, mais ils savent qu’ils n’ont à se glorifier que de Dieu. « Qu’avez-vous que vous n’ayez point reçu? Si vous avez reçu, pourquoi vous glorifier, comme si vous n’aviez pas reçu4 ? » Ne me dis plus alors : Qui accomplit la loi? Il l’accomplit en moi, celui qui est venu vers le pauvre avec ses richesses: c’était le pauvre à la vérité qui venait vers le pauvre, mais plein de richesses pour celui qui n’en avait point. L’homme qui a ces pensées, qui comprend le pauvre et l’indigent, qui ne dédaigne pas la pauvreté du Christ, qui comprend les richesses du Christ, celui-là devient heureux sur la terre ; il n’est pas livré aux mains de cet ennemi qui cherche à lui persuader de servir Dieu pour les biens du ciel, et le diable pour les biens de la terre. « Que Dieu ne le livre point aux mains de son ennemi ».