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En effet, lui qui a dans le secret une maison infiniment élevée, a aussi son tabernacle sur la terre; et ce tabernacle, c’est son Eglise, encore étrangère. C’est là qu’il faut chercher Dieu, parce que dans ce tabernacle on trouve le chemin qui conduit à son palais. Quand je répandais mon âme dans les régions supérieures, pour chercher mon Dieu, quel était mon dessein? « d’entrer dans le tabernacle du Seigneur ». Car je ne puis errer en dehors de ce tabernacle en cherchant mon Dieu. « Parce que j’entrerai dans le lieu de votre tabernacle admirable, jusqu’à la maison de Dieu ». J’entrerai donc dans le lieu de cette tente admirable, jusqu’à la maison de Dieu. Combien n’ai-je pas à admirer dans ce tabernacle? Voici toutes les merveilles qu’il présente à mon admiration. Ce tabernacle de Dieu sur la terre, ce sont les âmes des fidèles; j’admire en eux la subordination des membres, car le péché ne règne plus en eux pour les assouplir à ses convoitises; ils ne font pas de leurs membres des instruments d’iniquité pour servir au péché, mais ils les font servir au Dieu vivant par leurs bonnes oeuvres. J’admire les membres du corps devenus des armes pour l’âme qui sert Dieu1. Je jette les yeux sur cette âme soumise à Dieu, et qui règle toutes les oeuvres de son activité, qui met un frein à ses convoitises, qui repousse l’ignorance, qui s’étudie à supporter ce qu’il y a de dur et de difficile, qui se maintient pour les autres dans la justice et dans la charité. J’admire dans une âme toutes ces vertus; mais je ne suis encore que dans le tabernacle. Je m’élève encore au delà; et quelles que soient les merveilles du tabernacle, je suis dans la stupeur quand j’arrive à la maison de Dieu. C’est de ce palais que le Psalmiste parlait ailleurs, quand, s’étant posé cette question difficile et épineuse : Pourquoi les méchants sont presque toujours heureux sur la terre, et les bons malheureux, il s’écriait : « J’ai médité pour savoir, et mes yeux n’ont vu qu’un grand travail, jusqu’à ce que j’entre dans la maison de Dieu, et que j’aie vu à la fin des pervers2 ». Telle est donc la source de l’intelligence, le sanctuaire de Dieu, la maison de Dieu. C’est là que le Prophète a compris la fin dernière, et qu’il a pu résoudre la question du bonheur des méchants et des souffrances des justes. Quelle solution y a-t-il donnée? C’est que les méchants épargnés ici-bas, sont réservés à des châtiments sans fin; et que les bons qui souffrent, sont éprouvés pour être mis ensuite en possession de l’héritage éternel. Voilà ce que le Prophète a connu dans le sanctuaire de Dieu; telle est la fin des choses qu’il a comprises. Il s’est donc élevé jusqu’au sanctuaire pour arriver à la maison de Dieu; toutefois, en admirant les merveilles du tabernacle, il est arrivé à la maison de Dieu, en suivant je ne sais quelle douceur, quel charme intérieur et caché, comme si une suave harmonie s’exhalait de la maison de Dieu. Or, comme il marchait dans le tabernacle, dominé par cette harmonie de l’intérieur, cédant à l’enchantement, suivant cette harmonie de l’oreille et s’élevant au-dessus de tout bruit de la chair et du sang, il est arrivé jusqu’à la maison de Dieu. Car il nous raconte ainsi sa marche et la voie qu’il a tenue, comme si nous lui disions : Tu admirais le tabernacle de Dieu sur la terre; comment es-tu arrivé au secret de la maison de Dieu? « C’est », dit-il, « au son de l’allégresse et de la louange, au son des cantiques des fêtes ». Quand les hommes célèbrent ici-bas les fêtes de la débauche, ils ont la coutume d’établir devant leur demeure des orchestres, des joueurs de harpe, ou toute symphonie quia des attraits, des stimulants pour la débauche. Or, quand nous passons par là, que disons-nous de ces bruits? Que fait-on là? Et on nous répond qu’il y a quelque fête. On y célèbre, dit-on, quelque naissance, quelque mariage; on tâche de donner un prétexte à ces chants ridicules, de couvrir d’une excuse une telle débauche. Dans la maison de Dieu, c’est une fêle continuelle. Or, on n’y célèbre rien de ce qui passe. Cette fête éternelle, c’est le choeur des anges : voir Dieu à découvert, c’est une joie sans défaut. Tel est ce jour de fête que n’ouvre aucune entrée, que ne vient clore aucune fin. Cette fête éternelle et sans fin a, pour les oreilles du coeur, je ne sais quoi de sonore et de ravissant, si toutefois cela n’est couvert par le bruit du monde. Pour celui qui marche dans ce tabernacle, et qui médite sur les merveilles de Dieu pour la rédemption des fidèles, il y a dans le concert de cette fête, un charme d’oreille qui l’entraîne comme le cerf aux sources d’eau vive.