12.
« Mon âme s’est troublée en moi-même1 ». Est-ce en Dieu qu’elle s’est troublée? Non, c’est en moi. Elle était raffermie en voyant l’immuable, elle s’est troublée en voyant ce qui est assujéti au changement. Je sais que la justice de Dieu demeure éternellement; quant à la mienne, je ne sais si elle subsistera. Cette parole de l’Apôtre m’effraie: « Que celui qui est ferme prenne garde de tomber2 ». Donc, parce qu’il n’y a en moi aucune stabilité, et que je ne puis espérer en moi, « mon âme se trouble en moi ». Veux-tu qu’elle ne se trouble point? Qu’elle ne demeure pas en toi; mais dis: « Seigneur, j’élève mon âme vers vous3». Ecoute plus clairement encore. N’espère jamais de toi, mais de ton Dieu. Si tu comptes en effet sur toi-même, ton âme se trouble, car elle ne trouve rien qui la rassure à ton sujet. Donc puisque mon âme se trouble en moi, que me reste-t-il sinon l’humilité, afin que mon âme ne présume point d’elle-même? Que lui reste-t-il, sinon de s’anéantir afin de mériter d’être élevée? De ne rien s’attribuer, afin que Dieu lui donne ce qui sera utile? Donc, parce que mon âme se trouble en moi, et que ce trouble vient de l’orgueil: «Alors je me suis souvenu de vous, Seigneur, dans la terre du Jourdain, sur la colline d’Hermon4 ». D’où m’est venu ce souvenir de vous? D’une petite hauteur, dans la terre du Jourdain. Peut-être veut-il dire du baptême, où Dieu accorde la rémission des péchés. Nul en effet ne court à la rémission des péchés, s’il ne se déplaît à lui-même; nul ne court à la rémission du péché qu’en s’avouant pécheur; et nul ne s’avoue pécheur qu’en s’humiliant devant Dieu. Donc, u je me suis souvenu de vous « dans la terre du Jourdain », non pas sur une haute montagne, mais « sur une colline peu élevée », afin que vous, ô Dieu, vous fassiez de cette faible colline une haute montagne : parce que « celui qui s’élève sera humilié, et quiconque s’abaisse sera élevé5 ». Mais si tu cherches la signification des noms, Jourdain signifie descente. Descends alors, afin que tu sois relevé; ne t’élève point, pour n’être pas brisé. Quant à « Hermon, cette faible colline », Hermon signifie anathème. Sois donc anathème à tes yeux, par l’horreur que tu auras de toi-même; car c’est déplaire à Dieu que te plaire à toi-même. Donc, parce que le Seigneur nous donne tout ce que nous avons de bon, parce qu’il est bon lui-même, et non parce que nous sommes dignes; parce qu’il est miséricordieux et non parce que nous l’avons mérité: « Je me suis souvenu de Dieu, de la terre du Jourdain, de la colline d’Hermon »; et, parce qu’il s’en souvient avec humilité, il méritera d’être élevé et de jouir de Dieu; car ce n’est point s’élever que se glorifier en Dieu6.