3.
Le titre est donc: « Pour ceux qui doivent changer, intelligence aux fils de Coré, cantique pour le bien-aimé1 ». Ce bien-aimé a été vu par ses persécuteurs, mais non pour en être compris. « Car s’ils eussent connu le Seigneur, ce Roi de gloire, ils ne l’eussent point crucifié2 ». C’était pour cette intelligence que lui-même cherchait d’autres yeux quand il disait: « Celui qui me voit voit aussi mon Père3 ». Que le psaume relève ici ses louanges; réjouissons-nous de ces noces et nous serons aussi de ceux qui entrent eux-mêmes dans ces saintes épousailles, qui y sont invités, et où les invités sont l’Epouse même. Car cette Epouse est l’Eglise, et l’Epoux est le Christ. Les jeunes étudiants chantent parfois aux hommes et aux femmes qui se marient, des vers appelés épithalames; tout ce qui est chanté l’est à la gloire de l’époux et de l’épouse; or, dira-t-on que dans ces noces du Christ où nous sommes invités, il n’y a pas un thalamus ou lit nuptial? D’où vient alors cette parole d’un autre psaume: « Il a placé sa tente dans le soleil, et lui-même est comme l’Epoux qui sort de son lit nuptial4 ? » L’union conjugale, c’est le Verbe uni à la chair; et le lit où s’est opérée cette union est le sein de la Vierge. C’est là que la chair a été unie au Verbe, et de là vient cette parole: « Ils ne sont plus deux, mais une seule chair5 ». L’Eglise a été tirée d’entre les hommes, afin que cette chair unie au Verbe devînt la tête de l’Eglise, et que les membres de cette tête fussent tous ceux qui croiront. Veux-tu voir en effet celui qui est venu à ces noces? « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu6 ». Que cette Epouse se réjouisse, elle qui est aimée de Dieu. Quand l’aime-t-il ? quand elle est encore souillée. « Tous ont péché , dit l’Apôtre, ce et ont besoin de la gloire de Dieu7». Et encore : « Le Christ est mort pour les pécheurs8 ». Dieu l’a aimée dans sa laideur, afin qu’elle quittât cette laideur. Ce n’est pas toutefois à cause de cette laideur qu’il l’a aimée, puisque Dieu n’aime point ce qui est laid ; et s’il l’aimait, il le conserverait; or, le voilà qui la dépouille de cette laideur pour lui donner la beauté. Comment donc était cette épouse qu’il est venu trouver, et qu’en a-t-il fait? Qu’il vienne aussi en nous dans ces paroles prophétiques; qu’il vienne à nous lui-même, cet Epoux; aimons-le, ou même ne l’aimons point, si nous trouvons en lui quelque difformité. Il a trouvé en nous bien des laideurs, et néanmoins il nous a aimés : ne l’aimons point, si nous trouvons en lui quelque chose de difforme. En cela même qu’il s’est revêtu de notre chair, et que le Prophète a dit de lui: « Nous l’avons vu, et il n’avait ni apparence ni beauté9 »; il y a une grande beauté, si nous considérons la miséricorde qui l’a réduit à cet état. C’était ou nom des Juifs que le Prophète s’écriait : « Nous l’avons vu, et il n’avait ni apparence ni beauté». Pourquoi? parce qu’ils ne le comprenaient point. Mais pour ceux qui le comprennent, il y a dans « le Verbe qui s’est fait chair10 », une beauté suprême. « A Dieu ne plaise », disait un ami de cet Epoux, « que je me glorifie, sinon en la croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ11 » C’est peu n’en pas rougir, si tu ne vas jusqu’à t’en glorifier. Mais pourquoi n’avait-il ni apparence ni beauté ? Parce qu’un Christ à la croix était un scandale pour les Juifs, une folie pour les Gentils. Pourquoi n’avait-il aucune beauté sur la croix? Parce que, en Dieu, ce qui est folie, est plus sage que les hommes; ce qui est faible en Dieu, est plus fort que les hommes12. Pour nous qui croyons, que Epoux apparaisse toujours dans sa beauté. est beau comme Dieu, puisque le Verbe est Dieu; il est beau dans le sein de la Vierge il se revêt de la nature humaine sans se dépouiller de la nature divine: il est beau dans sa naissance, ce Verbe enfant; car cet Enfant à la mamelle, et dans les bras de sa mère, donne la parole aux cieux, fait chanter sa gloire par les anges ; une étoile amène à sa crèche les Mages qui l’y adorent, lui qui est la nourriture des pacifiques13. Il est donc beau dans le ciel et beau sur la terre; beau dans les entrailles virginales, beau dans les bras maternels; beau dans ses miracles et beau dans la flagellation; beau quand il nous invite à sa vie, beau quand il méprise la mort ; beau quand il donne son âme, et beau quand il la reprend; beau sur la croix, beau dans le sépulcre, beau dans le ciel. Ecoutez ce cantique pour le comprendre, et que l’infirmité de la chair ne détourne point vos yeux de la splendeur et de la beauté de cet Époux. La grande et la véritable beauté, c’est la justice : dès que tu découvres l’injustice, il n’y a plus de beauté à tes yeux; si donc il est toujours juste , il est toujours beau. Qu’il se montre donc aux yeux de notre âme, cet Epoux qu’un de ses prophètes a si bien chanté. Le voici qui commence.