3.
Et même afin que tu ne puisses méconnaître la montagne dont parle notre psaume, et que tu ne croies devoir la chercher en quelque lieu de la terre, écoute la suite. Après avoir dit : « Dans la cité de notre Dieu, sur la montagne sainte », qu’ajoute le Psalmiste ? « Vous étendez les montagnes de Sion qui sont la joie de la terre entière1 ». Il n’y a qu’une seule montagne de Sion: pourquoi est-il dit : « Les montagnes? » Serait-ce parce que ceux-là aussi appartiennent à Sion, qui sont venus d’un côté différent, de manière à se rencontrer dans la pierre de l’angle, et à former deux murs, comme deux montagnes dont l’une viendrait des circoncis, l’autre des incirconcis, l’une des Juifs, l’autre des Gentils, et qui dès lors ne sont plus séparés? S’il y a une divergence parce qu’ils viennent de directions différentes, ils ne sont plus différents dans l’angle qui les unit. « C’est lui », dit l’Apôtre, « qui est notre paix, c’est lui qui de deux peuples n’en fait qu’un ; c’est là cette pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs, et qui est devenue la pierre angulaire2 ». Cette montagne a réuni en elle deux montagnes. C’est un seul édifice, et il y a pourtant deux édifices : deux à cause des deux peuples qui viennent de deux directions différentes, un seul à cause de la pierre angulaire qui les unit. Ecoute ceci encore : «Les montagnes de Sion, les flancs de l’Aquilon, sont la cité du grand roi3 ». Au nom de Sion, tu te figurais cet unique endroit de la terre où est bâtie Jérusalem, et tu n’y rencontrais qu’un peuple circoncis, et dont Jésus-Christ n’a recueilli que les restes, la plus grande partie ayant été chassée par le vent comme la paille. Il est écrit en effet : « Les restes seront sauvés4». Mais jette les yeux sur les Gentils, et vois l’olivier sauvage greffé sur l’olivier franc5, dont il boit la sève. Les Gentils sont donc « ces flancs de l’Aquilon » ajoutés au palais du grand Roi. L’Aquilon est ordinairement opposé à Sion, car Sion est au midi, et l’Aquilon est l’opposé du midi. Quel est cet Aquilon, sinon celui qui a dit: « J’établirai mon trône du côté de l’Aquilon, et je serai semblable au Très-Haut6? » C’était jadis l’empire de Satan, qui régnait sur les Gentils adonnés à l’idolâtrie et au culte des démons. Or, tout ce qu’il y avait d’hommes dans l’univers entier, s’étant attaché à lui, était devenu Aquilon. gais comme celui qui peut enchaîner le fort, lui enlève aussi ses dépouilles7, et se les approprie, les hommes délivrés de l’infidélité et du culte superstitieux des démons, ont cru au Christ et sont entrés dans la structure de cette ville, et ils se sont rencontrés, à l’angle, avec cette muraille qui venait de la circoncision, et ces flancs de l’aquilon sont devenus la cité du grand Roi. Aussi est-il dit dans un autre endroit de l’Ecriture : « Les nuées aux reflets d’or viennent de l’Aquilon, c’est en elles que le Tout-Puissant fait consister son honneur et sa gloire8». La convalescence d’un malade désespéré fait la gloire du médecin. Les nuées de l’Aquilon ne sont point noires, ni ténébreuses, ni obscures, mais elles ont des reflets d’or. D’où vient cela, sinon de la grâce qui les éclaire par le Christ? Voilà « les flancs de l’Aquilon devenus la cité du grand Roi ». Ils sont bien des flancs, puisqu’ils avaient adhéré au démon. On dit en effet de ceux qui s’attachent à quelqu’un qu’ils sont toujours à ses côtés. Souvent encore, à propos de quelques hommes, nous disons: Il est honnête homme et pourtant mal flanqué; c’est-à-dire, il a de la probité, mais ceux qui l’accompagnent sont mauvais. Donc les flancs de l’Aquilon désignent ceux qui adhéraient au diable; c’est de là que revenait celui dont nous entendions tout à l’heure l’histoire, qui était mort et qui ressuscita, qui était perdu et qui fut retrouvé9. Il s’en était allé dans une région lointaine, était arrivé jusqu’à l’Aquilon, et là, comme vous l’avez entendu, s’était attaché à un prince de ces contrées. Il devint donc un flanc de l’Aquilon en s’attachant à ce prince de ces contrées; mais comme la cité du grand Roi se peuple des flancs de l’Aquilon, il rentra en lui-même et dit : « Je me lèverai et j’irai à mon Père10 ». Alors, accourant au-devant de lui, il s’écria: « Il était mort, il est ressuscité; il était perdu et je l’ai retrouvé ». Le veau gras devint la pierre angulaire11. Enfin, le fils aîné, qui ne voulait prendre aucune part au festin, entra sur les instances de son père : et ainsi ces deux murailles, comme ces deux fils, arrivèrent au veau gras et formèrent la cité du grand Roi.