9.
Mais ici tout homme qui réfléchit se demande: Quoi donc? Ce peuple qui, au milieu du peuple de Dieu, reçoit la divine miséricorde, est-il bien nombreux? Hélas, qu’il est en petit nombre ! c’est à peine si l’on en trouve quelques-uns : et Dieu se contentera-t-il de si peu, et perdra-t-il le grand nombre? Ainsi parlent ceux qui se promettent ce qu’ils n’ont pas entendu promettre par le Seigneur. Est-il vrai que si nous vivons dans le désordre, si nous jouissons des plaisirs du monde, si nous donnons satisfaction à nos convoitises, Dieu nous perdra? Combien en trouvera-t-on pour gar. der les commandements de Dieu? A peine en trouverez-vous un ou deux, bien peu du moins. Dieu ne doit-il sauver que ceux-là, et damner les autres ? Point du tout, nous dit-on, mais quand il viendra, et qu’il verra une si grande foule à sa gauche, il en aura pitié et pardonnera tout. C’est bien là ce que promit le serpent au premier homme : Dieu l’avait menacé de la mort, s’il touchait au fruit défendu1; « Point du tout », dit le serpent, « vous ne mourrez point2 ». Nos premiers parents crurent le serpent, et virent que la menace de Dieu était vraie, que la promesse du diable était fausse. Ainsi en est-il aujourd’hui, mes frères; figurez-vous l’Eglise comme un paradis terrestre où le serpent ne cesse de suggérer ce qu’il suggérait alors. Toutefois la chute premier homme doit être pour nous un préservatif de chute et non un modèle de péché. Adam est tombé pour que nous nous relevions. A ses suggestions faisons constamment la réponse de Job. Car le démon le tenta par la femme, comme par une nouvelle Eve; et l’homme vaincu dans le paradis, fut vainqueur sur le fumier3. Loin de nous d’écouter ses dires et de croire qu’il y ait si peu de justes; il y en a beaucoup, mais ils sont cachés dans un plus grand nombre. Nous ne pouvons le nier, les méchants, sont en plus grand nombre, et tellement en plus grand nombre, que les bons n’apparaissent au milieu d’eux, que comme le bon grain dans l’aire. Quiconque en effet jette un regard dans l’aire, pourrait croire qu’il n’y a que de la paille. Que l’on y fasse entrer un homme peu connaisseur, il croira que c’est inutilement qu’on y introduit les boeufs, et que des hommes supportent la chaleur du jour, pour briser la paille; et néanmoins il y a là une masse de bons grains, que le van doit séparer de la paille. Alors on verra cet amas de blé se dégager de la paille qui l’enveloppait. Et dès maintenant, voulez-vous connaître de bons chrétiens? soyez bons et vous en trouverez.