9.
Mais, dira quelqu’un, les douze Apôtres, et pas plus, doivent siéger avec le Christ, Où donc sera l’apôtre saint Paul? Doit-il en être séparé? Loin de nous de tenir ce langage! loin de nous de le penser même intérieurement ! Mais peut-être, dira-t-on, devra-t-il occuper la place de Judas? Cependant l’Ecriture fait connaître celui qui fut ordonné pour le remplacer : car Matthias est désigné si expressément, que le doute n’est pas possible1. La chute de Judas n’empêche pas que le nombre de douze ne soit complet. Mais si les douze trônes sont occupés par les douze Apôtres, Paul ne jugera donc point? Ou peut-être jugera-t-il debout ? Nullement. Dieu dans sa justice ne le souffrira point il ne jugera point debout, celui a travaillé plus que tous les autres2. Ce seul apôtre saint Paul nous force donc d’examiner, de rechercher avec plus de soin pourquoi l’Evangile a précisé douze trônes Il y a dans l’Ecriture, en effet, d’autres nombres pour exprimer une multitude. Cinq vierges sont admises, et cinq autres exclues3. Entendez ces vierges comme il vous plaira, soit de la chasteté et de l’intégrité du coeur, comme doit être vierge cette Eglise à qui il est dit : « Je vous ai fiancée à cet unique Epoux, pour vous présenter à Jésus-Christ comme une vierge sans tache4 » ; soit de cette pureté de la chair que de saintes femmes ont vouée à Dieu : est-ce que dans tant de milliers, cinq seulement seront élues? Le nombre de cinq nous marque seulement la continence dans les sens de la chair au nombre de cinq. Les uns, en effet, se perdent par les yeux, d’autres par l’ouïe, d’autres par des odeurs illicites, plusieurs par un goût dépravé, plusieurs enfin par des embrassements adultères : voilà donc en nous cinq portes de corruption, et quiconque les ferme par la continence, et une continence qui s’appuie sur le témoignage de la conscience, ne doit pas s’en référer aux louanges des hommes: voilà les cinq vierges sages qui portent leur huile avec elles5. Qu’est-ce à dire qu’elles ont leur huile avec elles? C’est là notre gloire, le témoignage de notre conscience6. Le riche dévoré dans les flammes de l’enfer, nous dit encore: « J’ai cinq frères7 ». C’est là l’image du peuple juif qui était sous la loi : car Moïse leur législateur, a écrit cinq livres. De même encore le Seigneur, après sa résurrection, ordonna de jeter le filet du côté droit, et les pécheurs prirent cent cinquante-trois poissons; «et nonobstant ce grand nombre », dit l’Evangile, « le filet ne se rompit point8». Avant sa passion, il avait fait jeter le filet, sans indiquer la droite ou la gauche: s’il eût dit, en effet, la droite, il eût désigné les bons seulement, et seulement les méchants s’il eût indiqué la gauche; mais quand il n’y a ni droite ni gauche, c’est qu’on pêche les méchants mêlés aux bons. On en prit tant alors que le filet se rompait, au témoignage de l’Evangile9. Cette pêche désignait le temps présent: les filets qui se rompent, ce sont les déchirures, les divisions des hérétiques et des schismatiques. Mais ce que fit le Sauveur après sa résurrection, nous montre ce qui doit arriver quand nous serons ressuscités, dans ce grand nombre marqué pour le ciel, où nul méchant ne doit se trouver. Les filets jetés à droite, désignent les bons, séparés des hommes de la gauche. Mais ceux de la droite ne seront-ils composés que de cent cinquante-trois justes? L’Ecriture parle de mille millions10. Lisez l’Apocalypse, et vous verrez que le seul peuple juif fournit douze fois douze mille élus11. Voyez le grand nombre des martyrs: non loin d’ici la seule Masse blanche12, comme on l’appelle, a plus de cent cinquante-trois martyrs. Enfin, ces sept mille hommes dont il est dit à Elie : « Je me suis réservé sept mille hommes qui n’ont point courbé le genou devant Baal13 », surpassent de beaucoup le nombre de ces poissons. Donc ces cent cinquante-trois poissons14, ne fixent pas le nombre des saints, mais l’Ecriture a ses raisons pour désigner par ce nombre déterminé l’universalité des saints et des justes ; en sorte que ces cent cinquante-trois nous marquent tous ceux qui appartiennent à la résurrection pour la vie éternelle. Car la loi renferme dix préceptes et l’Esprit de grâce par lequel on les accomplit a sept dons15. Cherchons donc la signification de ces deux nombres dix et sept: dix préceptes, sept dons de l’Esprit de grâce qui nous aide à accomplir les préceptes. Ce nombre de dix-sept renferme donc ceux qui appartiennent à la résurrection, qui sont à droite, qui auront part au royaume des cieux, à la vie éternelle, c’est-à-dire qui accomplissent la loi par la grâce de l’Esprit-Saint, et non par leurs propres oeuvres ou par leurs propres mérites. Prenez maintenant ce nombre de dix-sept, et additionnez ensemble tous les autres nombres depuis un jusqu’à dix-sept, en ajoutant deux à un, puis trois, puis quatre, de manière à faire dix, puis cinq qui donneront quinze, puis six, vingt et un, puis sept, vingt-huit, puis huit, trente-six, puis neuf, quarante-cinq, puis dix, cinquante-cinq, puis onze, soixante-six, puis douze, septante-huit, puis treize, nonante-un, puis quatorze, cent cinq, puis quinze, cent vingt, puis seize, cent trente-six, puis dix-sept, cent cinquante-trois; et vous trouverez que le nombre de saints est admirablement exprimé par ce petit nombre de poissons. De même donc que ces cinq vierges expriment des vierges sans nombre, de même que les cinq frères de celui qui était torturé dans les enfers désignent des milliers dans le peuple juif, de même que les cent cinquante-trois poissons désignent des milliers de millions d’élus, de même sur les douze trônes, il ne s’assiéra pas douze juges seulement, mais le grand nombre des parfaits.