28.
« Voilà ce que tu as fait, et je me suis tu1 ». C’est pourquoi le Seigneur Dieu viendra et ne se taira point. Aujourd’hui il nous dit : « Voilà ton ouvrage et je me suis tu ». Qu’est-ce à dire: « Je me suis tu? » Pour toi, j’ai différé ma vengeance, j’ai suspendu toute sévérité, j’ai prolongé ma patience, et longtemps j’ai attendu ton repentir. « Voilà tes oeuvres et je me suis tu ». Or, quand j’attends patiemment ton repentir, toi, comme l’a dit l’Apôtre: « Par la dureté et l’impénitence de ton coeur, tu t’amasses un trésor de colère pour le jour de la colère, et de la manifestation du juste jugement de Dieu2. Dans ton iniquité, tu m’as cru semblable à toi ». C’est peu que le mal ait pour toi de l’attrait, tu crois encore qu'il en a pour moi. Parce que Dieu ne fait pas éclater sa vengeance, tu en fais un complice, et comme à un juge corrompu, tu lui donnes part à tes rapines. « Dans ton iniquité, tu m’as cru semblable à toi », parce que tu refusais d’être semblable à moi. « Soyez parfaits », dit le Sauveur, « comme votre Père céleste, qui fait luire son soleil sur les bons et sur les méchants3 ». Loin de prendre pour modèle celui qui fait du bien même aux méchants, tu veux t’asseoir pour calomnier les bons. « Dans ta malice tu m’as cru semblable à toi, je t’accuserai ». Quand viendra le Seigneur notre Dieu, et qu’il ne gardera point le silence, alors «je t’accuserai ». Que ferai-je pour te reprendre? Que te ferai-je? Tu ne te vois pas maintenant, je te forcerai à te voir. Si tu te voyais, tu te déplairais à toi-même et tu me plairais dès lors; mais parce que sans te voir tu as mis en toi tes complaisances, tu te déplairas un jour ainsi qu’à moi, à moi quand tu seras jugé, à toi quand tu brûleras dans les flammes. Que te ferai-je, dit le Seigneur? « Je te mettrai en présence de toi-même ». Pourquoi vouloir te dérober à tes yeux? Tu te rejettes en arrière pour ne point te voir, je te forcerai à te regarder; ce que tu as rejeté derrière loi, je l’exposerai à tes regards, tu verras ta laideur, non pour l’effacer, mais pour en rougir. Et quand le Seigneur tient ce langage, mes frères, faut-il désespérer de celui qu’il menace de la sorte? Cette ville dont on publia jadis : « Dans trois jours Ninive sera détruite4», n’employa-t-elle point ces trois jours à se convertir, à prier, à pleurer, à mériter son pardon au lieu d’un châtiment imminent? Qu’ils écoutent, ceux qui sont dans le même état, pendant qu’ils peuvent écouter le Seigneur, même dans son silence. Il viendra et ne se taira point, et il t’accusera, quand il n’y aura pas moyen de t’amender. « Je le mettrai », dit le Seigneur, « en face de lui-même ». Qui que tu sois, fais donc aujourd’hui ce que le Seigneur menace de te faire. Ne rejette plus derrière toi ces fautes que tu dissimules, que tu ne veux point voir, mets-les sous tes regards. Assieds-toi sur le tribunal de ta conscience, deviens ton propre juge, cède à la crainte, que l’aveu s’échappe de ton coeur, et dis à ton Dieu : « Je reconnais mon iniquité, et mon péché est toujours devant mes yeux5 ». Mets devant toi ce que tu rejetais encore ; de peur que ton Dieu dans sa justice ne te mette sous tes propres regards, et que tu ne puisses te dérober à toi-même.