1.
La vue d’une foule si nombreuse m’impose le devoir de ne point tromper son attente, et de ne pas surcharger sa faiblesse. Je vous demanderai seulement du silence et du repos, afin qu’après les fatigues d’hier, j’aie encore assez de voix et de force. Il faut croire que dans votre charité, vous ne venez en si gram nombre aujourd’hui, qu’afin de prier pour ceux qu’éloigne d’ici une folle et malheureuse passion. Nous ne parlons en effet ni des païens, ni des juifs, mais bien des chrétiens; non de ceux qui sont encore catéchumènes, mais de plusieurs qui sont baptisés, dont vous n’êtes nullement éloignés par le baptême, mais à qui vous êtes loin de ressembler par le coeur. Combien de frères ne devons-nous pas pleurer aujourd’hui, à la pensée qu’ils courent après la vanité et les folies du mensonge1, et négligent d’aller où ils sont appelés ! Qu’un accident quelconque les effraie au milieu du cirque, ils feront le signe de la croix; ils se tiendront là, marquant leur front d’un signe qui devrait les en éloigner, s’il était dans leur coeur. Demandons à Dieu que, dans sa miséricorde, il leur donne la lumière qui condamne ces folies, l’amour qui les fuit, le pardon qui les oublie. Il est donc heureux pour nous que nous ayons chanté aujourd’hui un psaume de la pénitence. Parlons même aux absents, votre mémoire sera pour eux notre voix. Ne négligez ni ceux qui souffrent, ni ceux qui languissent; mais, afin de les guérir plus facilement, conservez vous-mêmes votre santé. Que vos réprimandes les corrigent, que vos discours les consolent, que la sainteté de votre vie leur serve de modèle, et celui qui vous a pris en pitié aura aussi pitié d’eux. Car en vous retirant de si grands dangers, la bonté du Seigneur n’a pas été épuisée. Ils viendront par le chemin que vous avez pris, ils passeront où vous avez passé. Leur état est fâcheux, j’en conviens; il est périlleux, ils courent à leur perte, à une mort certaine, puisqu’ils connaissent le mal qu’ils font. Il y a une différence, en effet, entre courir à ces folies quand on méprise la parole du Christ, et y courir quand on sait ce qu’il faut éviter. Mais notre psaume nous apprend à ne pas désespérer même de ceux qui en sont là. 2
