16.
« Quel que soit le jour où je vous invoque, je sais que vous êtes mon Dieu ».
Admirable science! Le Prophète ne dit pas: Je sais que vous êtes Dieu; il dit: « Je sais que vous êtes mon Dieu! » Oui, il est ton Dieu, car il te vient en aide. Oui, il est ton Dieu, car tu lui appartiens. Voilà pourquoi il est écrit: « Bienheureux est le peuple qui a pour Dieu le Seigneur ! » Pourquoi est-il dit: « Qui a pour Dieu le Seigneur? » Où est l’homme dont il ne soit pas le Dieu ? Il est le Dieu de tous, mais particulièrement de ceux qui l’aiment, qui s’attachent à lui, qui le possèdent et l’adorent ; ils font, en quelque sorte, partie de sa maison; ils sont comme les membres de sa grande famille, puisqu’ils ont été rachetés au prix du sang de son Fils unique. O ineffable bonté de Dieu! Nous lui appartenons, et il est devenu notre héritage ! Les étrangers, qui ont été éloignés des justes, ne sont pour lui que des enfants dont il ne s’occupe pas. Voyez ce qu’en dit ailleurs le Psalmiste : « Mon Dieu, délivrez-moi de la puissance des enfants étrangers, dont la « bouche a publié la vanité, et dont la droite est une droite d’injustice ». Remarque leur grandeur: grandeur d’un jour! gloire orgueilleuse et éphémère ! « Leurs enfants ressemblent à des plantes nouvelles: leurs filles sont ornées comme un temple ». Il donne la description du bonheur de ce monde, de ce bonheur dont les apparences trompeuses séduisent l’homme, auquel on attache le plus grand prix, que l’on préfère à la véritable, à l’éternelle félicité. Ceux qui négligent les biens durables, deviennent par là même des enfants étrangers: ce ne sont plus des enfants de Dieu. Le Prophète continue
« Leurs fils ressemblent à des plantes nouvelles leurs filles sont ornées comme des temples leurs celliers sont remplis ; ils regorgent et se déversent l’un dans l’autre: leurs brebis sont fécondes et de produits abondants: leurs vaches sont grasses: la clôture de leurs héritages n’est ni brisée ni ouverte à tout venant: on n’entend aucun cri dans leurs places publiques ». Que lisons-nous ensuite? « Ils ont proclamé bienheureux le peuple qui possède de tels avantages ». Mais qui est-ce qui tient ce langage? des enfants étrangers, « dont la bouche publie la vanité». Et toi, que dis-tu? « Bienheureux le peuple qui a pour Dieu le Seigneur1 ». Il n’envisage aucun des bienfaits que dispense aux hommes la main du Seigneur : il n’a en vue que le Dieu qui se donne lui-même. Mes frères, tous les biens énumérés par les enfants étrangers, Dieu les donne : il les accorde même aux étrangers, même aux méchants, même aux blasphémateurs, car il fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants : il fait tomber la pluie sur les justes et sur les pécheurs : il les accorde parfois aux bons ; parfois aussi il les leur refuse, comme il les donne et les refuse aux méchants; mais, tandis qu’il réserve à ceux-ci un feu éternel, il se réserve à lui-même pour ceux-là. Il y a donc un mal exclusivement réservé aux pécheurs, comme il y a un bien spécialement destiné aux justes; et, enfin, comme intermédiaire entre ce bien et ce mal, il y a des biens et des maux répartis indistinctement entre les uns et les autres.
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Ps. CXLIII, 11-15. ↩