1.
Mes frères, l’Evangile que nous venons d’entendre nous fait connaître l’immense charité de Notre-Seigneur et Sauveur pour nous, de Jésus-Christ, toujours Dieu dans le sein de son Père, devenu homme parmi nous, en se revêtant de notre chair, et assis maintenant à la droite du Père éternel. Oui, par la lecture qui vous a été faite, vous avez dû comprendre combien nous aime notre Rédempteur. Il nous a lui-même donné et fait connaître la mesure de son amour pour nous, en nous disant que son commandement nous oblige à nous aimer les uns les autres1. De plus, il n’a pas voulu nous laisser de doutes ou d’inquiétudes sur l’étendue de l’affection que nous devons mutuellement nous porter: il a précisé les bornes de cette affection, pour qu’elle plaise à Dieu et devienne parfaite, c’est-à-dire, qu’elle ne soit inférieure à aucune autre; il nous a donné à cet égard un enseignement positif, exprès, car il a. dit : « On ne peut avoir une plus grande charité que de donner sa vie pour ses amis2». Il a pratiqué lui-même ce qu’il a enseigné : ses Apôtres ont suivi ses préceptes et ses exemples, et ils nous ont appris que nous devons marcher sur leurs traces. Imitons donc Jésus-Christ sans doute nous ne lui ressemblons pas sous tous rapports: comme notre Créateur, il est bien différent de nous; mais puisqu’il a bien voulu se faire homme pour nous, nous avons, selon son humanité, des traits de ressemblance avec lui. S’il eût été le seul à nous donner l’exemple, aucun de nous peut-être ne devrait oser marcher sur ses traces, car il n’a pas cessé d’être Dieu en devenant homme; mais, en tant qu’homme, il a eu des imitateurs : Seigneur, il en a eu dans ses serviteurs ; Maître, il en a eu dans ses disciples: ceux que nous pourrions appeler nos pères, parce qu’ils sont entrés avant nous dans sa famille, nos compagnons dans le service de Dieu, ont marché à sa suite: d’ailleurs, il ne nous commanderait pas de faire ce qu’il a fait lui-même, s’il le jugeait impossible. Si tu compares la grandeur de ta faiblesse à la difficulté du précepte, et que le courage te manque, puise de la force dans les exemples placés sous tes yeux. L’exemple lui-même te remplit de crainte : mais n’as-tu pas à côté de toi celui qui, après t’avoir donné l’exemple, te donnera la force de le suivre?
Ecoutons maintenant ce psaume; par une heureuse coïncidence, et par un effet de la grâce divine, il concorde parfaitement avec l’Evangile de ce jour, et il nous rappelle la charité de Jésus-Christ qui a donné sa vie pour nous, afin que nous donnions aussi la nôtre pour nos frères3. Il y a donc entre l’Evangile d’aujourd’hui et ce psaume, rapport et accord: nous pouvons apprendre par la lecture de l’un et de l’autre combien Notre-Seigneur nous a aimés en donnant sa vie pour nous, puisque le LVIe psaume a trait à sa passion. Vous savez déjà, sans aucun doute, que considéré dans son entier, le Christ est en même temps tête et corps. Comme tête, notre Sauveur a souffert sous Ponce-Pilate, il est ressuscité ensuite d’entre les morts, et il est maintenant assis à la droite de son Père son corps, c’est l’Eglise ; non pas telle ou telle Eglise, mais l’Eglise répandue dans tout l’univers : cette Eglise qui comprend tout à la fois les hommes aujourd’hui vivant dans son sein, et ceux qui lui ont appartenu dans les siècles passés, et ceux qui lui appartiendront après nous jusqu’à la fin des siècles. Dans son intégrité, l’Eglise se compose de tous les fidèles, parce qu’ils sont tous membres du Christ; elle a sa tête dans le ciel, d’où celle-ci gouverne le reste du corps. Le corps est privé de la vue de son divin Chef, mais il lui est uni par les liens de la charité. Puis donc que le Christ, envisagé dans son entier, est en même temps tête et corps, nous devrons comprendre en ce sens les mots de tête et de corps, et les lui appliquer, toutes les fois que nous les rencontrerons dans la lecture de n’importe quel psaume. Le Sauveur n’a pas voulu que dans ces différents passages on parlât de lui sans parler de nous, puisqu’il n’a pas voulu s’en séparer ; n’a-t-il pas dit, en effet : « Voilà que je suis avec vous jusqu’à la consommation des siècles4? » S’il est avec nous, il parle en nous, il parle de nous, il parle par nous: de même, parlons-nous en lui, et disons-nous pour cela la vérité, tandis que nous tombons dans l’erreur et le mensonge dès que nous voulons parler en nous-mêmes et d’après nous.