16.
Mais voyez quelle soif Idithun ressent à leur endroit : voyez avec quelle ardeur il court vers eux dans l’excès de sa soif. Altéré du désir de leur salut, il se tourne vers eux et leur dit : « Ne mettez point votre espérance dans l’iniquité ». Pour moi, je mets la mienne en Dieu. « Ne mettez point votre espérance dans l’iniquité1».Vous tous qui ne voulez ni vous approcher, ni marcher plus vite que les méchants, prenez garde; « ne mettez point votre espérance dans l’iniquité ». Je vous ai devancés: j’ai placé mon espérance dans le Seigneur: « l’iniquité se trouve-t-elle en lui2?» « Ne mettez point votre espérance dans l’iniquité». — Faisons ceci; agissons encore de telle autre manière; pensons aussi à cela: tendons telle embûche: voilà bien le langage de ceux qui s’accordent dans la vanité. Pour toi, tu es altéré; par ceux qui ont déjà servi à étancher ta soif, tu as appris à connaître ceux qui nourrissent contre toi de pareilles pensées. « Ne mettez point votre espérance dans l’iniquité ». Elle est vaine, ce n’est rien ; la puissance n’appartient qu’à la justice. On peut, pour quelque temps, obscurcir la vérité: jamais on ne sera à même d’en triompher complètement. L’iniquité peut momentanément fleurir, mais son éclat est de courte durée. « Ne mettez point votre espérance dans « l’iniquité, ne désirez point commettre la rapine ». Tu n’es pas riche, et tu veux t’emparer du bien d’autrui? Que gagnes-tu? Que perds-tu? O ruineux bénéfice! Tu gagnes de l’argent, et tu perds la justice. « Ne désirez point commettre la rapine». — Je suis pauvre, je n’ai rien.—Voilà pourquoi tu veux te rendre voleur? Tu vois ce que tu dérobes, et tu ne vois pas de qui tu deviens la proie? Ignores-tu donc que l’ennemi rôde autour de toi comme un lion rugissant, et qu’il cherche à te dévorer3? Le bien d’autrui que tu veux t’approprier , est dans une souricière ; tu le prends et tu es pris. O pauvre, ne désire donc point commettre la rapine; que tes désirs se portent vers Dieu, car de lui nous viennent les choses nécessaires à la vie4. Il t’a créé, il te nourrira. Le voleur reçoit de lui sa nourriture, et il laisserait mourir de faim un innocent? Il pourvoira à la subsistance, car il fait lever le soleil sur les bons et sur les méchants, et tomber la pluie sur les justes et les pécheurs5. Si sa main bienfaisante s’ouvre pour ceux qui doivent être réprouvés, se fermera-t-elle pour les futurs élus ? Ne désirez donc point commettre la rapine. Ceci soit dit au pauvre, qui peut-être ne devient voleur que sous l’influence de la nécessité. Voici maintenant pour le riche. Je n’éprouve, dit-il, aucun besoin de manquer à la probité: rien ne me manque; je me trouve dans l’abondance. O riche, prête aussi l’oreille à la voix du Prophète: « Si vous possédez d’abondantes richesses, n’y attachez pas votre coeur». L’un est riche, l’autre n’a rien; que celui-ci ne cherche pas à s’approprier les biens qui ne sont pas à lui; que celui-là ne s’affectionne pas à ce qu’il possède. « Si vous avez d’abondantes richesses, n’y attachez pas votre coeur ». C’est-à-dire, si elles surabondent chez toi, si elles semblent y couler comme de source, puissent-elles ne point t’inspirer une folle confiance en toi-même ! Puisses-tu ne pas y accoler ton coeur! « Si tu as d’abondantes « richesses», prends-y garde: tu n’as pas moins à craindre que le pauvre. Ne vois-tu pas, en effet, que si tu leur donnes tes affections, tu passeras comme elles? Tu es riche, tu ne désires plus rien, parce que ta fortune est grande. Ecoute l’Apôtre parlant à Timothée: « Recommande aux riches de ce monde de ne point être orgueilleux » ; et, pour expliquer ces paroles du Psalmiste: « N’y attachez pas votre cœur », il ajoute: « Et de ne pas mettre leur confiance en des biens incertains6. Si vous avez d’abondantes richesses, n’y attachez » donc « pas votre coeur » : n’y mettez pas votre confiance, n’en concevez nul orgueil; qu’elles ne soient point le mobile de vos espérances, car on dirait de vous : « Voilà un homme qui n’a pas attendu de Dieu son secours, mais qui a placé sa confiance dans ses grandes richesses, et mis sa force dans la vanité7 ». O vous, enfants des hommes, qui êtes vains et menteurs, ne commettez point de rapines, et, sites richesses abondent chez vous, n’y attachez pas votre coeur; n’aimez donc plus la va imité, ne cherchez plus le mensonge ! Heureux l’homme qui a mis son espérance dans le Seigneur Dieu, et qui ne porte son attention ni sur la vanité, ni sur les trompeuses folies du monde8! Vous aspirez à devenir trompeurs, vous voulez commettre une fraude? De quoi vous servez-vous? De fausses balances. Car, dit le Psalmiste, « les enfants des hommes trompent avec leurs balances». Ils cherchent à induire les autres en erreur en se servant de fausses balances. Vous trompez, par de mensongères apparences, ceux qui vous regardent; mais il y en n un autre pour peser: il y en a un autre pour juger du poids; l’ignorez-vous? Celui pour lequel vous employez une balance fausse ne s’aperçoit pas de votre supercherie; mais elle est connue de celui qui vous pèse tous les deux suivant les règles de son incorruptible justice. Ne désirez donc ni fraude ni rapine; ne mettez donc pas davantage votre espérance dans ce que vous possédez ; .je vous en avertis, je vous en préviens. Tel est le langage que vous tient Idithun.