10.
Mes frères, avant le jour de sa bienheureuse résurrection, pendant le cours de sa vie mortelle et de sa fragile existence, notre corps trouve des adoucissements à ses maux dans le pain, l’eau, les fruits, le vin, l’huile, qui entretiennent en lui la vie, et nons sont à tel point nécessaires, que s’ils nous font défaut, nous ne tardons pas à succomber : il y trouve une sorte de bonheur, quoiqu’il ne soit point encore parvenu à jouir de cette santé parfaite au sein de laquelle il ne ressentira ni privations, ni douleurs. Ainsi en est-il de notre âme, même quand elle est encore unie ànotre corps, même au milieu des épreuves et des dangers de ce monde, et des infirmités inhérentes à sa nature : elle aussi trouve son soulagement dans la parole sainte, dans la prière et les entretiens spirituels. Pour elle, comme pour notre corps, il y a donc ici-bas quelque diversion à ses peines Mais lorsqu’aura eu lieu notre résurrection, quand notre corps ne réclamera plus de jouissances matérielles, il habitera le séjour de l’immortalité, et s’y trouvera établi pourjamais: alors aussi un aliment divin deviendra la nourriture de notre âme : elle sera sustentée par le Verbe éternel, qui a fait toutes choses1. C’est donc pour nous un devoir de rendre grâces au Tout-Puissant de ce qu’il ne nous abandonne pas à notre malheureux sort; il nous donne, en effet, les choses nécessaires à la vie du corps et à celle de l’âme ; et hors même qu’il nous éprouve en ne pourvoyant pas àtous nos besoins, il veut seulement nous instruire et nous porter à l’aimer davantage; ainsi, au lieu de nous laisser corrompre par les plaisirs sensuels, nous conservons de lui un souvenir salutaire. Parfois, il nous retire ce qui nous est nécessaire, il nous frappe, mais pour nous apprendre qu’il est toujours notre maître et qu’il ne cesse d’être notre Père, soit qu’il nous bénisse, soit qu’il nous châtie. Sa providence nous réserve un magnifique et inamissible héritage. Eh quoi ! si tu veux léguer à ton fils une coupe, un cellier ou un autre objet quelconque, tu lui conseilles d’en faire un bon usage, et pour lui inspirer la sagesse , pour l’empêcher d’abuser de tes biens, et l’exciter à ménager des objets qu’il lui faudra pourtant, comme toi, abandonner plus tard à d’autres, tu lui infliges de sévères corrections , et tu prétendrais n’en pas recevoir de notre Père céleste ! Et tu ne voudrais pas être préparé par les privations et les épreuves, à la possession de l’inamissible héritage qu’il nous réserve ! Cet héritage n’est autre que Dieu lui-même; nous le posséderons et il nous possédera éternellement.
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Jean, I, 3. ↩