3.
«C’est en Sion, ô Dieu, qu’il convient de chanter votre gloire1 ». Sion est notre patrie; car Sion n’est autre que Jérusalem ; et vous devez connaître le sens d’un tel nom. De même que Jérusalem signifie vision de la paix, de même Sion signifie regard, ou vision et contemplation. Je ne sais quel spectacle si grand nous est promis; et ce spectacle, c’est Dieu lui-même fondateur de la cité. Belle et splendide cité, dont le fondateur est plus splendide encore : « Il convient de chanter votre gloire, ô Dieu », dit le Prophète. Mais où? « En Sion », et non point à Babylone. Quiconque s’est mis en devoir d’en sortir, chante alors Jérusalem dans son coeur, d’après cette parole de l’Apôtre « Notre conversation est dans le ciel2 » . « Quoique nous vivions dans la chair », dit-il encore, « nous ne combattons pas selon la chair3 ». Déjà nous sommes en Jérusalem par le désir, déjà nous avons jeté dans cette terre notré espérance comme une ancre, afin de ne point faire naufrage sur cette mer. De même, alors que nous disons avec raison qu’un navire est à terre dès qu’il est à l’ancre, il flotte à la vérité, mais il est en quelque sorte amené à terre, pour résister aux vents et aux tempêtes; ainsi contre les tentations de notre pèlerinage ici-bas, nous avons notre espérance fixée dans la cité de Jérusalem, et qui nous empêche d’être jetés contre les écueils. Celui-là donc chante en Sion, qui chante selon cette espérance ; qu’il dise alors : « C’est en Sion, ô Dieu,qu’il convient de chanter votre gloire4»: oui, en Sion, non point à Babylone. Mais peut-être maintenant encore êtes-vous à Babylone. J’y suis, nous répond cet homme Plein d’amour, ce citoyen ; j’y suis, mais de corps seulement, et non de coeur. Ayant ainsi fait ces deux affirmations que j’y suis de corps et non de coeur: je ne chante point Babylone, car c’est mon coeur qui chante, et non point mon corps. Les citoyens de Babylone entendent, je le sais, ma voix corporelle ; mais le fondateur de Jérusalem entend les chants de mon coeur. De là vient que l’Apôtre exhortait les habitants à chanter des cantiques d’amour pleins de l’espérance de retourner à cette splendide cité, vision de la paix: «Chantez», leur disait-il, « chantez du fond de vos coeurs à la gloire de Dieu ». Qu’est-ce à dire : « Chantez dans vos coeurs?» Ne chantez point de cette Babylone où vous êtes ; mais chantez de cette patrie d’en haut que vous habitez par l’espérance. Donc, « c’est en Sion qu’il convient, ô Dieu, de chanter votre gloire ». C’est l’hymne de Sion, et non l’hymne de Babylone, qui vous est agréable. Ceux qui chantent à Babylone, sont citoyens de Babylone, et ne chantent point pieusement, même quand ils chantent l’hymne de Dieu. Ecoute la parole de l’Ecriture : « La louange n’est pas bonne dans la bouche du pécheur5. C’est en Sion, « ô Dieu, qu’il convient de vous bénir».