4.
« C’est à Jérusalem qu’on s’acquittera des voeux qu’on vous aura faits ». Ici-bas nous faisons des voeux, là haut nous les acquitterons. Qui donc fait ici-bas des voeux qu’il n’acquitte point? Celui qui ne persévère pas jusqu’à la fin dans les voeux qu’il a faits. Aussi le Psalmiste a-t-il dit ailleurs : « Faites des voeux au Seigneur votre Dieu, et accomplissez-les1. C’est en Jérusalem que l’on tiendra ses voeux ». C’est là que nous serons entièrement, c’est-à-dire corps et âme, à la résurrection des justes; c’est là que nos voeux seront totalement accomplis ; non-seulement notre âme y sera, mais aussi notre chair, qui ne sera plus corruptible, car nous ne serons plus à Babylone, mais notre corps sera devenu céleste. Quel changement nous est promis? « Tous nous ressusciterons », dit l’Apôtre, « mais nous ne serons pas tous changés ». Il indique aussi ceux qui seront changés. «En un clin d’oeil, au son de la dernière trompette, car la trompette sonnera, et les morts ressusciteront incorruptibles désormais, c’est-à-dire dans leur intégrité, et nous serons changés ». Plus loin il nous explique en quoi consistera ce changement : « Il faut », dit-il, « que ce corps corruptible soit revêtu d’incorruptibilité, et que ce corps mortel soit revêtu d’immortalité, et après que ce corps de corruption sera revêtu d’incorruptibilité, que ce corps de mort sera revêtu d’immortalité, cette parole de l’Ecriture s’accomplira : La mort a été absorbée dans sa victoire. O mort, où est donc ton aiguillon2? » Dès que commencent à se former en nous les prémices de l’esprit qui nous font soupirer après Jérusalem, nous ressentons en notre chair corruptible bien des résistances qui deviendront insensibles quand la mort sera absorbée dans sa victoire. La paix régnera, il n’y aura plus de guerre. Or, le règne de la paix sera aussi le règne de cette cité qui est la vision de la paix. La mort ne nous sera donc plus un obstacle. Maintenant, combien n’avons-nous pas à lutter contre la mort! De là viennent ces sensualités de la chair, qui nous suggèrent tant de désirs coupables; et quand même nous n’y consentirions pas, il nous faut néanmoins lutter pour n’y point consentir. La convoitise de la chair nous a donc tout d’abord conduits sans résistance, puis entraînés malgré nos efforts. Puis est venu le secours de la grâce, et alors, sans pouvoir désormais nous conduire ou nous entraîner, elle a lutté contre nous; et après la lutte viendra la victoire. Si elle te livre aujourd’hui des assauts, du moins qu’elle ne te renverse pas; et quand la mort sera absorbée dans la victoire, la lutte alors cessera. Qu’est-il dit? « La mort sera notre dernier ennemi détruit3 ». J’accomplirai mon voeu. Quel voeu? Le même que l’holocauste. Or, on appelle holocauste ce qui est entièrement consommé par le feu; l’holocauste est donc le sacrifice où tout est brûlé; car olon signifie entièrement, et kausis, brûlure. Holocauste donc, brûlé entièrement. Que cette flamme nous gagne, flamme divine qui est en Jérusalem; que la charité nous embrase jusqu’à la consomption de tout ce qu’il y a de mortel en nous, et que tout ce qui nous fait obstacle s’en aille en sacrifice au Seigneur. De là vient qu’il est dit ailleurs:
« Dans votre amour, Seigneur, répandez vos bénédictions sur Sion, afin que s’élèvent les murailles de Jérusalem; alors vous accepterez le sacrifice de justice, les oblations et les holocaustes4. C’est en Sion, ô mon Dieu, qu’il faut chanter votre gloire, et nos voeux pour vous s’accompliront en Jérusalem ». Ici nous cherchons si Jésus-Christ notre Seigneur et Sauveur ne nous serait point présenté commue le roi de cette cité : chantons donc jusqu’à ce que nous arrivions à quelque donnée plus claire. Déjà je pourrais vous dire à qui il est dit : « C’est vous, ô Dieu, qu’il convient de chanter dans Sion, et nos voeux pour vous s’accompliront en Jérusalem ». Mais, si je le disais, ce serait à moi plutôt qu’à l’Ecriture que l’on croirait; et peut-être ne me croirait-on pas. Ecoutons la suite.