15.
Si donc, dans la tentation, nul n’a pu t’indisposer contre Dieu, nul ne t’a extorqué une résistance dans le malheur, ou ne t’a inspiré l’aversion contre ceux qui te font souffrir, ton âme n’est point engagée. Tu peux dire en toute sûreté ce qui suit : « Pour moi, j’espérerai toujours en vous, j’ajouterai à vos louanges1». Qu’est-ce à dire? Voici ce qui doit nous surprendre : « J’ajouterai à vos louanges ». Voudrais-tu perfectionner la louange du Seigneur? Peu t-on ajouter à cette louange? Si cette louange est pleine, que pourras-tu y ajouter? On a chanté Dieu dans ses bienfaits, dans toutes ses créatures, dans la création de toutes choses, dans l’ordre et la disposition des siècles, dans l’ordre des temps, dans la hauteur des cieux, dans la fécondité de la terre, dans l’immensité des mers, dans la beauté des créatures qui naissent de toutes parts, dans les fils mêmes des hommes, dans la loi qu’il doit donner, dans la délivrance de son peuple de la captivité égyptienne, et dans ses autres merveilles si nombreuses; mais on ne l’avait pas encore béni d’avoir ressuscité notre chair pour la vie éternelle. Que ce soit donc là le surcroît de louange qui lui vient de la résurrection de Notre-Seigneur Jésus-Christ : en sorte que ce soit sa louange qui enchérisse sur toute louange passée; c’est ainsi que nous pouvons parfaitement l’entendre. Mais toi, homme pécheur peut-être, qui craignais de compromettre ton âme, qui n’espérais que de lui seul la délivrance de ta première captivité, qui n’espérais plus en ta propre justice, mais en ta grâce de celui que prêche notre psaume, que pourras-tu ajouter à la louange de Dieu? J’y ajouterai, dit-il. Voyons ce qu’il y ajoutera. Votre louange, ô Dieu, pourrait être parfaite, et nul défaut ne paraîtrait dans cette louange; non, rien n’y manquerait, quand mème vous condamneriez tous les injusles. Car ce ne serait pas une moindre louange, pour le Seigneur, que cette justice qui condamne l’iniquité; ce serait là une grande gloire. Vous avez fait l’homme, vous lui avez donné son libre arbitre, vous l’avez placé dans le paradis, en lui donnant un précepte; vous l’avez menacé d’une mort bien juste, s’il le violait; vous n’avez rien négligé, nul n’en pouvait exiger plus de vous; il a péché, et le genre humain est devenu une masse de pécheurs naissant d’autres pécheurs2 et si vous condamniez cette masse d’iniquités, qui pourrait dire : Vous agissez injustement? Vous seriez alors dans la justice, et là serait toute votre gloire; mais comme vous avez délivré le pécheur même et justifié l’impie, « j’ajouterai à vos louanges un surcroît de gloire ».