3.
Le Prophète continue : « De juger votre peuple dans la justice; et vos pauvres dans l’équité1 » . Ces paroles : « De juger votre peuple dans la justice », font voir suffisamment que le Père, qui est roi, a donné au roi son Fils le jugement et la justice pour juger votre peuple. Cette même expression se trouve dans Salomon : « Proverbes de Salomon, fils de David, de connaître la sagesse et la discipline2 »; c’est-à-dire, proverbes de Salomon, qui enseignent la sagesse et la discipline. De même « votre jugement de juger votre peuple », signifie votre jugement afin qu’il juge votre peuple. Mais ces expressions « Votre peuple», et ensuite « vos pauvres »; et ces autres, « dans la justice » , puis « dans l’équité», sont encore des répétitions. Le Prophète nous apprend ainsi que le peuple de Dieu doit être pauvre, sans orgueil, plein d’humilité. « Bienheureux en effet les pauvres de gré, parce que le royaume des cieux est à eux3». Telle était la pauvreté du bienheureux Job, même avant qu’il eût perdu ses richesses terrestres. Ce qu’il est bon de remarquer ici, car il est plus facile pour quelques-uns de distribuer tous leurs biens aux pauvres que de se faire les pauvres de Dieu. Ils s’enflent et sont pleins de jactance; ils croient que c’est à eux-mêmes, et non à la grâce de Dieu, qu’ils doivent de vivre saintement, et voilà que leur vie n’est pas sainte, quelque nombreuses que paraissent leurs bonnes oeuvres. Ils croient tout tenir d’eux-mêmes, et se glorifient comme s’ils n’avaient rien reçu4: ce sont des riches en eux-mêmes, et non des pauvres de Dieu; pleins de leurs mérites, et non indigents pour l’amour de Dieu. Or, l’Apôtre l’a dit: « Quand je distribuerais tous mes biens aux pauvres, et que je livrerais mon corps aux flammes, si je n’ai point la charité, cela ne me sert de rien5 »; comme s‘il disait : Il ne me servirait de rien de distribuer mes biens aux pauvres, si je ne devenais pauvre pour Dieu. « La charité ne s’enfle point d’orgueil6 »: et il n’y a point de charité en celui qui est ingrat envers l’Esprit-Saint, par qui la charité est répandue dans nos coeurs7. Aussi ces hommes n’appartiennent-ils pas au peuple de Dieu, parce qu’ils ne sont point pauvres selon Dieu. Ainsi parlent en effet les pauvres selon Dieu : « Pour nous, nous n’avons pas reçu l’Esprit de ce monde, mais l’Esprit qui vient de Dieu, afin de connaître les dons que Dieu nous a faits8 ». Tandis que dans notre psaume, afin d’exprimer ce mystère d’un Dieu qui s’unit à l’homme, ou du Verbe fait chair9, il est dit à Dieu le Père qui est Roi: « Donnez votre justice au Fils du Roi » : ceux-ci ne veulent point qu’on leur donne la justice, ils prétendent l’avoir en eux-mêmes. « Ignorant cette justice qui vient de Dieu, et voulant établir leur propre justice, ils ne sont point soumis à la justice de Dieu10 ». Ils ne sont donc point affamés de Dieu, mais pleins d’eux-mêmes, puisqu’ils ne sont pas humbles, mais superbes. Or, ce Fils du Roi viendra juger le peuple de Dieu tians la justice, et les pauvres dans l’équité, et par ce jugement, il séparera les pauvres qui sont à lui, c’est-à-dire, ceux qu’il a enrichis de sa pauvreté. Car c’est vers lui que ce peuple de pauvres élève cette voix: « Jugez-moi, ô Dieu, et séparez ma cause de cette nation qui n’est point sainte11 ».