5.
« Que les montagnes reçoivent la paix pour le peuple, et les collines la justice1 ». Les montagnes sont plus hautes, les collines moins élevées. Le Prophète désigne ici ceux qu’il appelle ailleurs « les grands et les petits ». Ce sont là « ces montagnes qui bondirent comme des béliers, et ces collines comme des agneaux, quand Israël sortit de l’Egypte2» ; c’est-à-dire, quand le peuple de Dieu fut délivré de l’esclavage de ce monde. Ces montagnes sont donc les hommes qui, dans l’Eglise, dominent par une sainteté supérieure et qui sont capables d’instruire les autres3; qui ne parlent que pour enseigner la vérité, qui règlent leur vie afin d’être des modèles de sainteté. Mais pourquoi « la paix est-elle pour les montagnes, et la justice pour les collines? » Serait-il indifférent de dire que les montagnes reçussent la justice pour le peuple, et les collines la paix? Car la justice comme la paix est nécessaire aux uns et aux autres, et il est possible que la paix ne soit qu’un autre nom de la justice. Telle serait en effet la véritable paix, non plus comme les hommes injustes la font entre eux. Ou peut-être, ne faut-il pas dédaigner la distinction du Prophète, et dire: « La paix aux montagnes et la justice aux collines? » Car ceux qui sont éminents dans l’Eglise doivent apporter tous leurs soins à maintenir la paix, à ne pas briser les liens de l’unité, à ne point causer de schismes dans l’Eglise par leur conduite orgueilleuse. Quant aux collines, elles doivent imiter les montagnes, et leur être soumises, de manière néanmoins à leur préférer Jésus-Christ: de peur que séduites par l’éclat apparent de quelques montagnes dangereuses, elles n’en viennent à se séparer du Christ et à rompre avec l’unité. Voilà pourquoi le Prophète appelle « sur les montagnes la paix, pour le peuple ». Qu’elles disent: « Soyez mes imitateurs, comme je le suis du Christ4 ». Mais qu’elles disent encore: «Quand un ange venu du ciel, ou nous-mêmes vous annoncerions un Evangile autre que celui que vous avez reçu, qu’il soit anathème5». Qu’elles disent enfin : « Paul a-t-il été crucifié pour vous, ou seriez-vous baptisés au nom de Paul6? » Qu’ « ils reçoivent cette paix pour le peuple » de Dieu, ou pour les pauvres de Dieu, qui leur fasse désirer de régner, non sur eux, mais avec eux. Qu’à leur tour ceux-ci ne disent point: « Moi je suis à Paul, moi à Apollo, moi à Céphas », mais bien tous : « Moi je suis au Christ7 ». La justice dès lors consiste pour les serviteurs à ne point se préférer ni même s’égaler au Seigneur, et à lever les yeux vers les montagnes d’où le secours doit leur venir, de manière cependant à ne pas attendre ce secours des montagnes elles-mêmes, mais bien du Seigneur qui a fait le ciel et la terre8.