2.
«Nous nous confesserons, Seigneur, nous « nous confesserons, et nous invoquerons votre nom1 ». Ne l’invoque pas avant d’avouer tes fautes, fais d’abord cet aveu, tu invoqueras ensuite. Invoquer Dieu, c’est l’appeler en toi: quel autre sens peut avoir invoquer ? Si donc tu l’invoques, ou si tu l’appelles en toi, chez qui descend-il ? Pas chez l’orgueilleux. Il est élevé, et nul ne l’atteint en s’élevant. Pour atteindre toute hauteur, il faut nous élever; et si nous ne pouvons y arriver, nous avons recours aux machines ou aux échelles, afin de parvenir au faîte: Dieu, au contraire, est élevé, et il n’y a que les humbles pour l’atteindre. Il est écrit : « Le Seigneur est près de ceux qui ont un coeur contrit2». Cette contrition du coeur, c’est la piété, l’humilité. L’homme contrit se fâche contre lui-même. Qu’il soit en guerre avec lui-même, afin d’être en paix avec Dieu; qu’il soit son propre juge, afin d’avoir Dieu pour défenseur. Dieu vient donc, si nous l’invoquons; mais chez qui vient-il? Jamais chez l’orgueilleux. Ecoutez un autre témoignage : « Du haut de son trône, Dieu regarde les humbles, il ne voit que de loin les orgueilleux3. Ainsi le Seigneur jette les yeux sur les humbles », mais non de loin, tandis que c’est de loin qu’il voit les orgueilleux. Or, après avoir dit que Dieu voit les humbles, de peur que les orgueilleux ne se rassurent dans l’impunité, comme si leur orgueil devait échapper à celui qui habite au plus haut des cieux, le Prophète les effraie en disant : Il vous voit, il vous connaît, mais de loin. Il fait les délices de ceux dont il s’approche; pour vous, superbes, dit le Prophète, hommes altiers, vous ne jouirez pas de l’impunité, car il vous voit; mais vous n’aurez point le bonheur, il ne vous connaît que de loin. Voyez ce que vous avez à faire : s’il vous connaît, il ne vous pardonnera point. Vous épargner, vaudrait mieux pour vous que vous connaître. Qu’est-ce que vous épargner, en latin ignoscere, sinon ne pas vous connaître, non noscere ? Que signifie ne pas vous connaître? n’avoir point l’esprit contre vous, non animadvertere, car l’animadversion se dit d’un homme qui châtie. Ecoutez le Prophète, qui demande à Dieu de l’épargner : « Détournez votre face de mes péchés4». Que feras-tu donc, si le Seigneur détourne de toi son visage ? Voilà qui est fâcheux, il est à craindre qu’il ne t’abandonne. Mais que Dieu ne détourne point son visage, c’est l’animadversion. Dieu nous comprend, il a le pouvoir et de détourner sa face du pécheur, et de ne point la détourner de l’homme pénitent. Aussi est-il dit quelque part : « Détournez votre face de mes péchés »; et ailleurs : « Ne détournez point de moi votre visage5 ». Ici, détournez-la de nies péchés; là, ne la détournez point de moi : confesse donc ton péché, et invoque le Seigneur. C’est par l’aveu que tu purifies le temple où viendra le Seigneur, sur ton invocation. Qu’il détourne sa face de ton péché, mais non de toi : qu’il détourne sa face de ce que tu as fait, mais non de ce qu’il a fait lui- même. En toi il a fait l’homme, et tu as fait tes péchés. Confesse-les donc, et invoque le Seigneur; dis-lui : « Nous vous confesserons, Seigneur, nous vous confesserons nos fautes ».