7.
L’ennui l’avait accablé, il retrouvait la joie dans le souvenir de Dieu, puis il tombe en défaillance, après avoir parlé; que dit-il ensuite? « Mes ennemis ont devancé le moment de la veille1 ». Mes ennemis ont veillé sur moi, ils ont veillé plus que moi, et dans cette vigilance ils m’ont surpris. Où ne sont point leurs pièges ? Mes ennemis n’ont-ils pas devancé l’heure de la veille? Quels sont en effet mes ennemis, sinon ceux dont l’Apôtre a dit: « Vous n’avez pas à combattre contre la chair et le sang, mais contre les principautés, contre les puissances, contre les princes de ce monde ténébreux, contre les esprits de malice répandus dans les airs2?» C’est donc le diable et ses anges qu’il nous faut combattre ; et c’est avec raison qu’ils sont appelés gouverneurs du monde, puisqu’ils gouvernent ceux qui sont épris du monde. Sans doute l’Apôtre ne les appelle point gouverneurs du monde, comme s’ils avaient la direction du ciel et de la terre, mais par ce mande il entend les pécheurs: «Et le monde ne l’a point connu3». Ainsi donc le monde gouverné par le démon, c’est le monde qui n’a pas connu le Christ. C’est contre ces démons que nous avons d’impérissables inimitiés. Quelle que soit ta haine contre un homme, tu songes à en finir, ou en recevant ses excuses, s’il t’a offensé le premier, ou en présentant les tiennes, si l’offense vient de toi, ou par de mutuelles excuses, Si vos outrages sont réciproques: tu t’efforces d’en venir à une satisfaction, à un accord mais avec le diable et ses anges, nul accord n’est possible. Ils nous envient le royaume des cieux. Ils ne peuvent s’adoucir à notre égard: « Ce sont des ennemis qui ont devancé «toutes nos veilles ». Ils sont plus attentifs à nous tromper, que moi à me défendre. « Mes ennemis ont devancé toutes mes veilles ». Comment n’auraient-ils point mis en demeure toute vigilance, eux qui ont tendu partout des pièges et des pierres de scandale? Es-tu dans l’ennui ? tu dois craindre que la tristesse ne t’accable; es-tu dans la joie? crains que l’expansion de cette joie ne te conduise à la défaillance: « Mes ennemis ont devancé toutes mes veilles ». Enfin, lorsque tu épanches ta joie, lorsque tu parles dans une sécurité parfaite, combien n’y a-t-il pas dans ton langage de ces choses que tes ennemis voudraient saisir et critiquer, et dont ils voudraient te faire un crime, fût-ce par la calomnie : voilà ce qu’il a dit, voilà ce qu’il pense, tel est son langage? Que peut faire un homme, sinon ce qui suit: « Dans mon trouble, j’ai gardé le silence ? » Il s’est donc troublé, et craignant que son ennemi aux aguets ne cherchât et ne trouvât dans ses épanchements matière à calomnie, il a gardé le silence, Mais Idithun n’a point cessé pour cela de s’épancher intérieurement: s’il a interrompu sa parole extérieure, où peut-être s’était glissée quelque envie de plaire aux hommes, il ne s’est point découragé, il n’a pas interrompu ses efforts pour devancer jusqu’à cette vanité. Et que dit-il ?