10.
Le sens de cette parole: « ils ont tourné le dos au jour du combat », est expliqué dans les versets suivants qui le disent avec clarté: « Ils n’ont point gardé l’alliance du Seigneur, et n’ont point voulu marcher dans ses lois[^10]». Ainsi donc, « tourner le dos au jour du combat», c’est ne point garder l’alliance du Seigneur. Ils ont donc bandé l’arc et lancé les flèches, ils ont engagé leur promesse avec empressement: « Nous écouterons et nous ferons tout ce que le Seigneur notre Dieu nous a ordonné1: Ils ont tourné le dos au jour du combat»; car une promesse d’obéissance ne s’accomplit point par l’attention à écouter, mais dans la tentation. Celui dont l’esprit est en Dieu, éprouve alors que Dieu est fidèle, qu’il ne l’exposera point à une tentation au-dessus de ses forces, mais lui ménagera dans la tentation une issue, afin qu’il puisse la surmonter et ne tourne point le dos au jour du combat. Quant à celui qui se glorifie en soi-même, et non pas en Dieu2, quelque promesse qu’il ait faite d’être ferme, bien qu’il bande l’arc et lance des flèches, il tourne le dos au jour du combat. Parce que son esprit ne s’était point confié en Dieu3, voilà que l’Esprit de Dieu n’est point en lui; et comme il est écrit : « N’ayant point cru, il ne sera point protégé4 ». Quand après ces paroles : « Ils n’ont point observé le testament du Seigneur », le Prophète ajoute : « Et ils n’ont point voulu marcher dans sa loi»; il répète la pensée précédente avec une certaine explication. Il nomme « Loi de Dieu », ce qu’il avait appelé plus haut, « le Testament de Dieu », en sorte que cette parole : « Ils n’ont point gardé », se trouve répétée dans « ils n’ont point voulu marcher ». Mais comme il pouvait dire plus simplement: Ils n’ont point marché dans sa loi; il me semble qu’il veut nous faire peser quelque peu, pourquoi il a préféré dire : « Ils n’ont point voulu marcher », au lieu de : ils n’ont point marché. On aurait pu croire que la loi des oeuvres est suffisante pour la justification, en voyant les hommes faire à l’extérieur les oeuvres prescrites, bien qu’au fond de leur coeur ils eussent mieux aimé qu’elles ne fussent point prescrites, mais les faire néanmoins : ils paraissent donc marcher dans la loi de Dieu, mais ils n’y marchent pas réellement, puisque le coeur n’y est point. Car il est impossible d’appeler oeuvre du coeur, l’oeuvre que l’on fait par crainte du châtiment et non par amour de la justice. Quant à l’action extérieure, l’homme qui aine la justice et l’homme qui craint le châtiment, s’abstiennent également de voler; les mains se ressemblent, et les coeurs sont bien différents; l’oeuvre est la même, la volonté dissemblable. De là cette parole flétrissante : « C’est là », dit le Prophète, « une génération qui n’a pas redressé son coeur ». II n’accuse pas l’oeuvre, mais le coeur. Quand le coeur est droit, les oeuvres sont droites; mais quand le coeur n’est pas droit, les oeuvres ne sont pas droites, quelle qu’en soit l’apparence. Le Prophète nous montre aussi pourquoi cette génération perverse n’a point redressé son coeur, quand il nous dit : « Son esprit n’a pas cru en Dieu ». Dieu est droit, en effet, et en s’attachant à lui comme à la règle immuable, tout coeur humain peut se redresser, quelque tortueux qu’il ait été. Mais pour unir notre coeur à Dieu et le redresser, il faut nous approcher de lui, non par une démarche, mais par la foi. Aussi, dans l’épître aux Hébreux, est-il dit de cette génération indocile et rebelle : « La parole qu’ils entendirent ne leur servit de rien, n’étant pas unie à la foi chez ceux qui l’entendirent5 ». Le Seigneur donc prépare la volonté dans un coeur droit, au moyen de la foi qui a précédé, et qui nous rapproche de Dieu toujours droit, de manière à redresser notre coeur. Cette foi est éveillée en nous par l’obéissance, alors que Dieu nous prévient et nous appelle dans sa miséricorde. Elle applique ensuite à Dieu notre coeur qui se redresse, et plus il se redresse, plus il voit ce qu’il ne voyait point, et peut t’aire ce qu’il ne pouvait faire, Voilà ce que n’avait point fait Simon, à qui l’apôtre saint Pierre disait : « Tu n’as aucune part dans cette foi, car ton coeur n’est point droit devant Dieu6»; nous montrant ainsi que sans Dieu notre coeur ne peut être droit, afin que les hommes commencent à ne plus marcher sous la loi comme des esclaves sous le poids de la crainte, mais qu’ils observent comme des enfants cette loi, dans laquelle n’ont point voulu marcher ces mêmes Juifs, qui sont demeurés sous le poids de leurs transgressions, C’est la charité, et non la crainte, qui donne cette volonté; et la charité est répandue dans les coeurs qui croient par le Saint-Esprit7. C’est à eux qu’il est dit « C’est la grâce qui vous a sauvés par la foi, et cela ne vient jas de vous, c’est un don de Dieu; cela ne vient pas de vos oeuvres, afin que nul ne se glorifie. Car nous sommes son ouvrage, créés en Jésus-Christ dans les bonnes oeuvres que Dieu a préparées, afin que nous y marchions8 », et que nous n'imitions point ceux qui « n’ont point voulu marcher dans sa loi », qui n’ont point cru en Dieu, qui n’ont point dirigé vers lui leur voie, en espérant en lui, afin qu’il fît tout en eux.