28.
Mais il est assez clair que Dieu, par un juste jugement, les accable de ces maux, au moyen des mauvais anges, qui travaillent dans notre siècle comme dans l’Egypte et dans les champs de Tanis, où nous devons pratiquer l’humilité, jusqu’à ce que vienne le jour où nous mériterons de sortir glorieusement de cette bassesse. Egypte, en langue hébraïque, signifie ténèbres ou tribulations, et Tanis, comme nous l’avons dit, signifie un humble commandement. Ne passons donc point légèrement star ce que le psaume nous dit des mauvais anges, à propos de ces plaies: « Il a déchaîné contre eux sa colère, son indignation, la désolation et la fureur, les influences des mauvais anges ». Qu’il y ait un diable avec ses anges, auxquels Dieu a préparé le feu éternel, il n’est aucun fidèle pour l’ignorer: mais ceux qui sont moins capables de considération, comprendront difficilement la souveraine justice de Dieu qui se sert utilement des méchants mêmes, et qui déchaîne leur puissance contre ceux qu’il juge dignes de leur méchanceté. Quant à la substance de ces esprits, quel autre que Dieu les a faits ? Mais il ne les a point faits mauvais: il en use néanmoins dans sa bonté, c’est-à-dire avec sagesse et avec justice: comme au contraire les méchants abusent pour le mal des meilleures créatures. Dieu donc se sert des mauvais anges, non-seulement pour punir les méchants, comme ceux dont il est question dans notre psaume, comme le roi Achab, qu’un esprit de mensonge séduisit par l’ordre de Dieu, afin qu’il pérît dans la guerre1, mais encore pour mettre les bons à l’épreuve, et en évidence, comme il arriva pour Job. Pour ce qui est de cette matière corporelle des éléments visibles, je crois que les bons anges peuvent s’en servir comme les méchants, selon le pouvoir qu’ils ont reçu; de même que les hommes bons ou méchants s’en servent indifféremment, chacun à proportion de sa faiblesse. La terre est à notre usage, ainsi que l’eau, l’air et le feu, non-seulement dans ce qui est nécessaire pour sustenter notre vie, mais encore dans ce qui est superflu, ou amusant, ou même dans les oeuvres d’art que l’on admire. Ces ouvrages sans nombre de mécanique, en grec mexanemata, n’ont pas d’autre objet que ces éléments. Mais la puissance des anges, soit bons, soit méchants, est bien plus grande, et des bons plus que des mauvais; pour eux néanmoins comme pour nous, elle est subordonnée à l’ordre ou à la permission de Dieu. Pour nous, en effet, le pouvoir sur les éléments ne se mesure pàs à la volonté; et dans un livre authentique de l’Ecriture, nous lisons que le diable a bièn pu lancer le feu du ciel, pour consumer, par un coup d’une violence extrême et surprenante, les immenses troupeaux d’un saint personnage: et nul peut-être n’oserait attribuer au démon une telle puissance, s’il ne l’apprenait par l’autorité de l’Ecriture. Mais cet homme que la grâce de Dieu avait rendu juste, fort et saintement clairvoyant, ne dit point: Le Seigneur l’a donné, le diable l’a ôté; mais bien: « Le Seigneur l’a donné, le Seigneur l’a ôté2». Il savait très-bien que le démon ne peut. user de sa puissance sur les éléments et contre les serviteurs de Dieu, que selon la volonté et la permission de Dieu. Il confondait ainsi la malice du démon, parce qu’il connaissait celui qui s’en faisait un instrument pour l’éprouver. Quant aux fils de l’in. crédulité, le démon s’en fait des esclaves3, comme les hommes s’assujétissent les animaux; et toujours néanmoins autant que le permet la souveraine justice de Dieu. Mais interdire au démon par une puissance supé. rieure, de traiter à son gré ceux qui sont à lui, et lui donner un pouvoir sur ceux qui lui sont étrangers, sont choses bien différentes. Ainsi un homme fait de son cheval ce qu’il veut, et toutefois il cesse d’en disposer, quand un pouvoir supérieur le lui interdit; mais pour user du cheval d’un autre, il attend qu’on lui en donne le pouvoir. Dans un cas on restreint le pouvoir qui existait, dans l’autre on accorde une puissance qui n’existait pas.