8.
Le Prophète se répand ensuite en prières, et nous montre que le récit qu’il vient de faire de tant de maux. est moins un récit qu’une lamentation: « Jusques à quand, Seigneur, durera votre colère, et votre zèle s’allumera-t-il toujours comme la flamme1?» Il supplie le Seigneur de n’entrer point dans une fureur implacable; de ne point prolonger cette pression, cette affliction, ce massacre, mais de mettre un terme à ses châtiments, selon cette parole d’un autre psaume: « Jusques à quand serons-nous nourris du pain des larmes, et abreuvés au calice des pleurs2?» Dire en effet: «Jusques à quand, Seigneur, durera votre colère? » a bien le même sens que : Seigneur, mettez un terme à votre colère. Et quand nous lisons ensuite: « Votre zèle s’allumera-t-il comme une flamme? » faut-il sous-entendre « jusques à quand », et « jusqu’à la fin », comme s’il y avait: Jusques à quand votre colère s’allumera-t-elle comme une flamme? Sera-ce jusqu’à la fin? Il faut en effet sous-entendre ces deux mots, comme plus haut nous avons sous-entendu celui-ci : «Ils ont donné ». Dans la première partie du verset, on lit : « Ils ont donné les cadavres de vos serviteurs pour servir de proie aux oiseaux du ciel » : ce verbe « ils ont donné », ne se trouve pas dans la seconde partie : « Et la chair de vos saints aux bêtes de la terre »; il faut l’y sous-entendre. Quant à ce zèle et à cette colère de Dieu, ce n’est point une passion qui le trouble, comme l’en accusent quelques-uns3 qui ignorent les Ecritures. La colère de Dieu, c’est la vengeance qu’il tire de l’injustice, et son zèle, la jalousie de notre pureté, le soin de notre âme qui mépriserait sa loi, et se séparerait de lui par une fornication spirituelle. Ces sentiments causent du trouble chez les hommes qui souffrent; mais sont paisibles chez Dieu qui les règle et à qui il est dit:
« Pour vous, Seigneur, vous jugez dans le calme4 ». C’est ce qui nous montre que les tribulations viennent aux hommes, et même aux fidèles, à cause de leurs péchés: quoique la gloire des martyrs en devienne plus éclatante par le mérite de la patience, et par leur humble piété à supporter les fléaux qui sont l’épreuve du Seigneur. C’est ce qu’ont témoigné et les Macchabées dans les tourments les plus cruels5, et les trois jeunes hommes dans les flammes qui ne les touchaient point6, et les saints Prophètes en captivité. Sans doute ils supportaient ce châtiment paternel avec force et humilité, et pourtant ils ne cachaient point que ces maux étaient la punition de leurs fautes. Ce sont eux qui disent dans le psaume: « Le Seigneur m’a châtié, et il m’a frappé de verges, et ne m’a point livré à la mort7». Il flagelle tous ceux qu’il reçoit parmi ses enfants: quel fils n’est point châtié de son père8?