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Works Augustine of Hippo (354-430) Discours sur les Psaumes
DISCOURS SUR LE PSAUME LXXVIII.

14.

Ceci est une prédiction, avons-nous dit, et non point un désir. Ce qui nous donne lieu de remarquer en passant comment il faut entendre cette parole de l’Apocalypse à propos des martyrs qui sous l’autel du Seigneur font entendre ces plaintes: « Jusques à quand, Seigneur, différerez-vous de venger notre sang1 ? » et de ne point laisser croire que ces âmes saintes veulent assouvir leur haine dans la vengeance, ce qui serait déroger à leur perfection. Et pourtant il est écrit: « Le juste tressaillira à la vue des vengeances de l’impie, il lavera ses mains dans le sang du pécheur2 ». Et saint Paul dit : « Ne vous vengez point vous-mêmes, mes bien-aimés, mais donnez place à la colère: car il est écrit: La vengeance est à moi, et je l’exercerai, dit le Seigneur3 ». Dès lors, le Seigneur ne leur commande point de renoncer à la vengeance, mais de ne point se venger soi-même, et de laisser exercer sa colère au Dieu qui a dit: « La vengeance est à moi, et je l’exercerai ». Le Seigneur, à son tour, nous propose dans l’Evangile l’exemple d’une veuve qui, désirant d’être vengée, importuna un juge inique, et, ce juge vaincu par ses instances, plutôt que dirigé par la justice, consent à l’écouter4: et le Seigneur nous tient ce langage, pour nous montrer que Dieu, beaucoup mieux que ce juge, rendra justice à ses élus, qui en appellent à lui, la nuit et le jour5. De là vient ce cri des martyrs, sous l’autel de Dieu, qui demandent justice et vengeance. Mais que devient donc cette parole : « Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous persécutent6 ? » Que devient cette autre parole: « Ne rendez pas le mal pour le mal, ni l’injure pour l’injure7? » et encore: « Ne rendez à personne le mal pour le mal8? » Car si l’on ne doit rendre à personne le mal pour le mal, non-seulement il ne faut faire aucun mal à cause du mal qu’on nous aurait fait, mais il ne faut pas même désirer un mal pour un mal que l’on nous aurait fait ou désiré. Or, celui-là désire un mal, qui tout en renonçant à se venger lui-même, attend et souhaite que Dieu châtie son ennemi. Si donc l’homme juste et le méchant demandent également à Dieu d’être vengés de leurs ennemis, en quoi diffèrent-ils, sinon en ce que le juste désire l’amendement plutôt que le châtiment de son ennemi? Et quand il voit que Dieu en tire vengeance, il met sa joie, non dans la peine qu’il endure, car il ne le hait point, mais dans la justice divine, parce qu’il aime Dieu. Et si Dieu exerce sa vengeance dès ce monde, il s’en réjouit, ou pour son ennemi, s’il se corrige, ou pour les autres, s’ils craignent de l’imiter. Lui-même en devient meilleur, non pas en repaissant sa haine du supplice d’un ennemi, mais en se corrigeant de ses fautes. C’est donc par bonté, et non par malice, que le juste se réjouit à la vue des vengeances divines, et qu’il lave ses mains, ou plutôt qu’il purifie ses oeuvres dans le sang, c’est-à-dire dans la perte des pécheurs, et qu’il tire de là, non une joie criminelle du mal des autres, mais un exemple des divins avertissements. S’il s’agit de cette vengeance que Dieu se réserve pour l’autre vie à son dernier jugement, le juste trouve sa joie dans cette volonté de Dieu qui ne donne point le bonheur au méchant, ni à l’impie la récompense des justes; ce serait un acte injuste et contraire aux lois de la vérité qui fait les délices du juste. Aussi quand le Sauveur nous exhorte à l’amour de nos, ennemis, il nous propose l’exemple de notre Père céleste, « qui fait luire son soleil sur les bons et sur les méchants, et pleuvoir sur les justes et sur les injustes9 »: et néanmoins n’a-t-il pas pour eux des châtiments temporels, et à la fin l’enfer pour les endurcis obstinés? Il faut donc aimer le prochain sans haïr la justice de Dieu qui le punit, et aimer cette justice qui le châtie de manière à n’aimer point le cliâtiment, mais l’équité du juge. Un esprit haineux au contraire, s’afflige de voir son ennemi se convertir et échapper à la peine, et quand il le voit châtié, il se réjouit de se voir vengé, non qu’il aime la justice de Dieu, mais bien le malheur de son ennemi, et s’il abandonne sa cause à Dieu, c’est qu’il souhaite que Dieu châtie cet ennemi, plus que lui-même ne le pourrait faire : et quand il donne à manger à son ennemi qui a faim, à boire à celui qui a soif, il savoure méchamment cette parole: « En agissant ainsi, vous amassez sur sa tête des charbons de feu10 ». Il prétend aggraver ainsi la faute de son ennemi, appeler sur sa tête cette indignation de Dieu figurée, croit-il, par des charbons ardents; il ne comprend pas que ce feu est la douleur de la pénitence, qui brûle le coeur jusqu’à ce que le coupable, devant ces bienfaits d’un ennemi, baisse enfin par l’humilité une tête qu’élevait l’orgueil, en sorte que le bien rie l’un ait vaincu le mal de l’autre. Aussi l’Apôtre a-t-il eu soin d’ajouter: « Ne vous laissez pas vaincre par le mal, mais triomphez du mal par le bien11 ». Comment vaincre le mal par le bien, quand on n’est bon qu’en apparence, et mauvais au fond de l’âme; quand sans nuire en actions, on nuit en désirs; que la main est innocente, et la volonté sanguinaire? C’est donc ainsi que notre psaume prédit les châtiments des impies, en termes de désirs, en sorte qu’il nous faut comprendre que le serviteur de Dieu aime ses ennemis, ne souhaite à personne que le bien, c’est-à-dire la piété en cette vie, l’heureuse éternité en l’autre vie; que dans les châtiments des méchants, il se réjouit, non des maux qu’ils souffrent, mais des justes jugements de Dieu; et dans tous les endroits de l’Ecriture, où nous lisons leur haine contre les hommes, cette haine s’applique à leurs vices, que chacun devrait détester en soi-même, s’il s’aimait véritablement.


  1. Apoc. VI, 9, 10. ↩

  2. Ps. LVII, 11. ↩

  3. Rom. XII, 19; Deut. XXXII, 35. ↩

  4. Luc, XVIII, 3-5.  ↩

  5. Apoc. VI, 9.  ↩

  6. Matth. V, 44.  ↩

  7. I Pierre, III, 9.  ↩

  8. Rom. XII, 17. ↩

  9. Matth. V, 45 ↩

  10. Rom. XII, 20.  ↩

  11. Rom. XII, 21. ↩

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