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Le titre du psaume est « Pour les pressoirs1 ». Et néanmoins, autant que votre charité a pu le remarquer avec nous, car je vous voyais écouter avec la plus vive attention, il n’est question dans le texte, ni de presse, ni de corbeille, ni de cuve, ni des instruments, ni même de la construction d’un pressoir; nous n’y avons rien vu de tout cela. Aussi n’est-il point aisé de voir ce que signifie ce titre : « Pour les pressoirs ». Mais assurément, si après un titre semblable, il était question de tout ce que nous venons d’énumérer, les hommes charnels s’imagineraient qu’il s’agit de pressoirs visibles : or, comme après ce titre : « Pour les pressoirs », il n’est plus question dans aucun verset de tout ce que nos yeux découvrent dans un pressoir, il n’est plus douteux que l’Esprit de Dieu ne nous invite à chercher et à comprendre d’autres pressoirs. Rappelons donc à notre mémoire ce qui se fait visiblement dans les pressoirs, afin d’en voir la réalisation dans l’Eglise d’une manière spirituelle. La grappe de raisin pend à la vigne, et l’olive à l’olivier, car c’est à ces deux fruits qu’est réservé le pressoir et pendant que ces fruits sont à l’arbre, ils jouissent d’un certain air libre; et avant le pressoir le raisin n’est pas du vin, l’olive n’est pas de l’huile. Ainsi en est-il des hommes, que Dieu avant tous les siècles a prédestinés à devenir conformes à l’image de son Fils unique2, de cette grappe d’une admirable beauté foulée sous le pressoir de la passion. Ces hommes donc, avant d’entrer au service de Dieu, jouissent en cette vie comme d’une délicieuse liberté, ainsi que les raisins ou les olives suspendus aux branches. Mais comme il est dit . « Mon fils, lorsque vous entrerez au service de Dieu, demeurez ferme dans la justice et dans la crainte; et préparez votre âme à la tentation3 » : tout homme qui se consacre au service de Dieu doit savoir qu’il arrive au dressoir; il sera foulé, pressé, broyé ; non pour périr en cette vie, mais pour coulerdans les urnes du Seigneur. Il est dépouillé de ces enveloppes des charnelles convoitises, comme le vin est séparé du marc: alors s’accomplit en lui à l’égard des terrestres désirs cette recommandation de l’Apôtre: « Dépouillez-vous du vieil homme, et revêtez-vous de l’homme nouveau4». Mais cela ne s’accomplit totalement que dans le pressoir. Aussi donne-t-on le nom de pressoir à l’Eglise de Dieu sur la terre.