2.
Dieu ne pouvait faire aux hommes un don plus excellent que de leur accorder pour chef son Verbe, par lequel il a créé toutes choses, et de les unir à lui comme ses membres, afin qu’il fût tout à la fois fils de Dieu et fils de l’homme, un seul Dieu avec le Père, un seul homme avec les hommes; afin qu’en adressant nos prières à Dieu, nous n’en séparions pas le Fils, et que le corps du Fils, offrant ses prières, ne soit point séparé de son chef. Ainsi Notre-Seigneur Jésus-Christ, unique Sauveur de son corps mystique, prie tour nous, prie en nous, et reçoit nos prières. Il prie pour nous comme notre prêtre, il prie en nous comme notre chef, il reçoit nos prières comme notre Dieu. Reconnaissons donc, et que nous parlons en lui, et qu’il parle en nous. Et quand il est question de Jésus-Christ Notre-Seigneur, surtout dans les prophéties, surtout quand il en est question d’une manière qui paraît indigne de Dieu, ne craignons pas de l’y retrouver, pas plus qu’il n’a craint de s’unir à nous. Toute créature lui est assujettie, puisque c’est par lui que toute créature a été faite. Aussi quand nous envisageons sa divinité, quand nous entendons : « Au commencement était le Verbe, elle Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu; il était au commencement en Dieu; tout a été fait par lui, et rien sans lui1»; lorsque nous considérons cette divinité suréminente du Fils de Dieu qui plane au-dessus de ce qu’il y a de plus sublime parmi les créatures , et que nous l’entendons aussi gémir en quelques endroits de l’Ecriture, et prier, et confessant ses fautes; nous hésitons alors à lui attribuer ces paroles, parce que notre esprit ne quitte point facilement ces hauteurs d’où il contemplait sa divinité pour descendre à une humilité si profonde. Il craint de lui faire injure, en retrouvant chez un homme les paroles de celui qu’il invoquait lui-même comme un Dieu ; il hésite,-il voudrait changer le sens; et il ne trouve dans la sainte Ecriture d’autre moyen que d’appliquer ces paroles au Christ, et de ne s’en point détourner. Qu’il réveille donc et qu’il ravive sa foi; qu’il comprenne que celui dont il contemplait naguère la divinité a néanmoins pris la forme de l’esclave, est devenu semblable aux autres hommes, et reconnu pour un homme, par ce que l’on voyait de lui, qu’il s’est humilié en obéissant jusqu’à la mort2, qu’il s’est approprié les paroles du Psalmiste, quand, sur la croix, il s’est écrié « O Dieu, mon Dieu, pourquoi m’avez-vous abandonné3? » C’est donc lui que l’on prie comme un Dieu, c’est lui qui prie comme un homme; ici il est Créateur, là créature t sans subir de changement, il a pris une nature changeante, et ne fait de nous avec lui qu’un seul homme, la tête et le corps. C’est donc lui que nous prions, c’est par lui, c’est avec lui. C’est en lui que nous disons, c’est en nous que lui-même fait cette prière du psaume qui a pour titre : « Prière de David4 ». Car Jésus-Christ est fils de David selon la chair; mais comme Dieu il est Seigneur de David, créateur de David, et non seulement avant David, mais avant Abraham dont David est issu; mais avant Adam père de tous les hommes; mais avant le ciel et la terre qui renferment les autres créatures. Que personne donc, en entendant ces paroles, ne dise : Le Christ ne parle point ici; qu’il ne dise pas non plus: Ce n’est point moi qui parle; mais s’il croit être dans le corps du Christ, qu’il dise tout à la fois: C’est le Christ qui parle, c’est moi qui parle. Ne parle jamais sans lui, et il ne dira rien sans toi. N’est-ce point là une leçon de l’Evangile? Nous y lisons certainement: « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu, tout a été fait par lui » ; et pourtant nous y lisons encore: Et Jésus fut contristé5, Jésus fut fatigué6, Jésus dormit7, il eut faim8, il eut soif9, il pria et passa la nuit en prières : « Jésus », est-il dit, « persistait dans sa prière et il y passait la nuit10, et des gouttes de sang coulaient de son corps11 » .Que nous enseignait-il quand ces gouttes de sang coulaient sur son corps, pendant sa prière, sinon que le sang des martyrs devrait couler de son corps mystique ou de l’Eglise?