11.
« J’ai crié vers vous, au jour de mon affliction, et alors vous m’avez exaucé1.»
Ce qui vous a porté à m’exaucer, c’est que j’ai crié vers vous au jour de mon affliction. Tout à l’heure le Prophète nous disait: « Pendant tout le jour j’ai crié » ; tout le jour j’ai été dans l’affliction. Qu’un chrétien ne dise donc point qu’il est un jour exempt de peine. Tout le jour signifie pendant tout le temps Tout le jour il est dans l’angoisse. Eh quoi donc! y a-t-il tribulation quand tout est bien pour nous? Oui, tribulation. D’où vient-elle? Tant que nous sommes en cette vie, nous sommes loin du Seigneur2. Quelles que soient ici-bas nos réjouissances, nous ne sommes point dans cette patrie, où nous nous hâtons d’arriver. Celui-là n’aime point la patrie qui se plaît dans l’exil : pour qui la patrie est douce, l’exil est amer; si l’exil est amer, il y a tribulation pendant tout le jour. Quand n’y a-t-il pas tribulation? Quand la patrie a pour nous des charmes. « A votre droite sont les douceurs sans fin. Votre face me comblera de joie3 », dit le Prophète, « je contemplerai les beautés de mon Dieu4 ». C’es là qu’il n’y aura plus ni labeur, ni gémissements: là, plus de supplications, mais uni louange sans fin; là, nous chanterons ave les anges un alléluia sans fin, un amen éternel; là une vision sans lassitude, un amour sans ennui. Vous-le voyez donc, il n’y a point de bonheur pour nous, tant que nous n’habiterons point ces demeures. Mais n’avons-nous pas tout en abondance? Quand même tu aurais tout en abondance, vois si tu es assuré de ne point perdre tout. Mais n’ai-je point aujourd’hui ce qui me manquait ? Ne m’est-il point venu de l’argent que je n’avais pas? Tu as sans doute aussi la crainte que tu n’avais pas; et alors ta sécurité égalait ta pauvreté. Mais je t’accorde les richesses, les biens de ce monde, l’assurance de n’en rien perdre. Que Dieu te dise encore : Tu auras toujours ces biens, tu les posséderas éternellement, mais tu ne verras point ma face. Ne consultez pas la chair, mais consultez l’esprit; laissez répondre votre coeur, répondre cette foi, cette espérance, cette charité qui commence à naître en vous. Si donc nous avions la certitude que nous serons toujours dans l’abondance, et que Dieu nous dit : Vous ne verrez point ma face, goûterions-nous quelque bonheur dans ces biens? Quelqu’un peut-être choisirait les joies d’ici-bas, et dirait : Je suis riche, c’est bien, je ne veux rien de plus. Cet homme n’a pas encore commencé à aimer Dieu; il n’a point encore soupiré dans son exil. Non, non. Arrière toutes ces séductions! Arrière ces charmes mensongers! Arrière tout ce qui nous dit chaque jour: Où es ton Dieu? Répandons notre âme sur nous-mêmes, confessons nos fautes avec larmes; gémissons dans ces aveux, soupirons dans nos misères5. Rien n’est doux pour nous en dehors de Dieu. Nous ne voulons rien de ce qu’il nous donne, s’il ne se donne lui-même celui qui nous a tout donné. « Fixez ma prière dans votre oreille, ô mon Dieu, écoutez le cri de mes supplications. Au jour de mes tribulations, j’ai crié vers vous et vous m’avez exaucé ».