5.
Heurtez donc par l’amour à ces portes, et que le Christ lui-même crie en vous : «Ouvrez-moi les portes de la justice1 ». Il marche en avant comme chef, il suit dans chacun des membres. Voyez ce que dit l’Apôtre, car le Christ souffrait en lui : «.J’accomplis en ma chair ce qui marque aux douleurs du Christ2 ». « J’achève ». Quoi ? «ce qui manque ». A quoi? « aux douleurs du Christ». Où? « dans ma chair». Pouvait-il donc y avoir quelque chose d’insuffisant dans les douleurs de cet homme dont le Verbe s’était revêtu en naissant de la vierge Marie? Car, enfin, il a souffert ce qu’il devait souffrir, et par sa volonté, non par la volonté du péché. Et nous voyons qu’il ne restait plus rien à souffrir, puisque sur la croix, après avoir bu le vinaigre, il s’écria : « C’est achevé, et baissant la tête il rendit l’esprit3». Qu’est-ce à dire, « c’est achevé? » La mesure de mes douleurs est épuisée; tout ce qui a été prédit de moi est accompli, comme s’il n’eût attendu pour mourir que cet accomplissement. Qui sort pour un voyage, comme il sort de son corps? Mais qui peut mourir ainsi? Celui qui a dit tout d’abord : « J’ai le pouvoir de donner mon âme, et aussi le pouvoir de la reprendre : nul ne me l’ôte, mais je la donne de moi-même, et je la reprends encore4 ». Il a donc donné sa vie quand il l’a voulu, et l’a reprise quand il l’a voulu: nul n’a pu la lui ôter, la lui arracher. Toutes les souffrances marquées ont donc été accomplies, mais dans le Chef; il restât à les accomplir dans le corps du Christ. Or, vous êtes le corps et les membres du Christ5. Aussi l’Apôtre, qui faisait partie de ces membres, a-t-il dit : « Afin que j’accomplisse dans ma chair ce qui manque à la passion du Christ». Nous allons donc où le Christ nous a précédés, et le Christ ne laisse point d’aller où il est allé le premier. Le Christ nous a précédés dans son chef, il doit suivre dans son corps. De là vient qu’il souffre encore ici-bas, et il souffrait de la part de Saul, quand Saul entendit : « Saut, Saul, pourquoi me persécuter6? » De même que si l’on nous marche sur le pied, la langue aussitôt s’écrie : Vous m’écrasez. Nul ne touche à cette langue, et pourtant elle se récrie, plutôt parce qu’elle est unie au membre qui souffre, que par la douleur qu’elle endure. Ici-bas encore le Christ est dans l’indigence, ici-bas il est étranger, ici-bas il souffre, ici-bas il est en prison. Parler ainsi, ce serait l’injurier, s’il n’avait dit lui-même : « J’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire; j’étais étranger, et vous m’avez recueilli; nu, et vous m’avez revêtu; malade, et vous m’avez visité. Et eux: Quand, Seigneur,vous avons-nous vu en proie à ces misères, et vous avons-nous secouru? Et lui : Quand vous l’avez fait au moindre des miens, c’est à moi que vous l’avez fait7 ». Entrons donc dans l’édifice du Christ qui a pour fondement les Apôtres et les Prophètes8, et dont il est la pierre angulaire parce que « le Seigneur aime les portes de Sion, plus que tous les tabernacles de Jacob »; comme si cette même Sion n’était point dans les tabernacles de Jacob. Et où donc était Sion, sinon dans ce peuple de Jacob? Car Jacob, lige du peuple juif, était petit-fils d’Abraham, et ce peuple a reçu le nom d’Israël, parce que Jacob lui-même fut appelé Israël9. C’est là ce que vous savez. Mais comme il y avait autrefois des tentes passagères et figuratives, et que le Prophète parle d’une cité spirituelle dont la ville terrestre n’était que l’ombre et l’image, le Prophète s’écrie : « Dieu aime les portes de Sion plus que toutes les tentes de Jacob ». Il aime cette cité spirituelle, plus que tous les tabernacles figuratifs, qui nous marquaient cette ville céleste, ville impérissable et toujours en paix.