10.
Disons maintenant ceux qui tombent à sa droite. Vous le savez, mes frères, quand apparaîtra le tribunal où jugeront avec le Christ ceux qui auront voulu être et qui auront été réellement parfaits, enracinés et affermis dans la charité, sans se dessécher au soleil et au démon du midi, voici ce que fera le Seigneur : « Toutes les nations seront rassemblées devant lui, et il les partagera comme un berger sépare les brebis des boucs, et il mettra les brebis à sa droite et les boucs à sa gauche1 », et ils seront jugés. Les juges seront nombreux, mais bien moins nombreux que ceux qui se tiendront devant le tribunal; car les uns sont désignés par le nombre de mille, et les autres par celui de dix mille. Que dira le Christ à ceux de droite ? « J’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger ; j’ai été étranger, et vous m’avez recueilli ». Il est clair qu’il tiendra ce langage à ceux qui ont eu des biens en ce monde afin d’accomplir ces oeuvres de charité. Car ceux-ci régneront avec ceux-là; les uns sont comme les soldats, les autres comme les fournisseurs des vivres ; mais soldats et fournisseurs forment un même royaume, sous un seul chef. Au soldat le courage, au fournisseur le dévouement : le soldat courageux combat le démon par ses prières, et le fournisseur dévoué prépare les vivres au soldat.
Que votre charité veuille bien le comprendre. Au dernier jour enfin ceux qui seront placés à droite, entendront ces paroles : « Venez, tu bénis de mon Père, recevez le royaume qui tu vous est préparé dès l’origine du monde ». Il en était beaucoup en ce moment, quand s’alluma le feu de la persécution, quand se fit sentir le démon de midi, il en était beaucoup qui se promettaient de juger avec le Christ; mais impuissants à supporter la violence de la persécution, ils sont tombés à son côté; d’autres ne se promettaient point d’être assis parmi les juges, mais se promettaient pour prix de leurs aumônes d’être à la droite, et pensaient que le Christ leur dirait : « Venez, tu bénis de mon Père, recevez le royaume qui vous a été préparé dès l’origine du monde». Mais comme ils sont en grand nombre ceux qui seront frustrés de leur espérance d’être assis parmi les juges, et bien plus nombreux encore ceux qui n’obtiendront point d’être à la droite comme ils l’espéraient, le Prophète s’écrie en s’adressant au Christ : tu « en tombera mille à votre côté, et dix mille à votre droite». Mais comme beaucoup d’autres qui n’ont eu pour les choses temporelles aucun souci, seront alors avec le Christ, qui sera en eux comme dans ses membres, te Prophète ajoute : « Mais le mal n’approchera point de vous ». N’est-ce qu’à la tête qu’il dit : « N’approchera point? » Non assurément: mais il n’approchera ni de Pierre, ni de Paul, ni de tous les Apôtres, ni de tous les martyrs, qui n’ont point cédé aux tourments. Comment donc tu n’en approchera-t-il point? e Pourquoi dès lors ces tortures? Le mal ne s’est approché que de leur chair, et non du siége de leur foi. Cette foi donc était à l’abri de la crainte et des tourments. Qu’on les torture, l’effroi n’a aucun accès auprès d’eux; qu’on les torture, et ils se riront des tourments, dans leur confiance en celui qui a vaincu le premier afin que les autres pussent vaincre. Or, quels sont les vainqueurs, sinon ceux qui n’ont point compté sur eux-mêmes? Et remarquez bien ceci, mes bien-aimés; c’est ce qui a fait dire au Prophète tout ce qui précède: « Il dira au Seigneur : Vous êtes mon appui et tu mon refuge »; et: «J’espérerai en lui. Car c’est lui qui me délivrera du filet des chasseurs». « Il me délivrera », et non pas moi. « Il me fera un ombrage entre ses épaules ». Mais quand? Quand tu « espéreras sous ses ailes, (360 ) sa vérité te couvrira d’un bouclier ». Parce que tu as compté sur lui et que tu as mis en lui tout ton espoir, voici, dit le Prophète: quoi donc? « Tu n’auras point à craindre des frayeurs de la nuit, ni de la flèche qui vole tu pendant le jour, ni le mal qui se glisse dans tu les ténèbres, ni la ruine et le démon de midi2». Quel est celui qui ne craindra point? Celui qui ne compte point sur lui, mais sur le Christ. Quant à ceux qui présument d’eux-mêmes, bien qu’ils aient espéré s’asseoir à côté du Christ, pour juger, bien qu’ils se soient promis d’être à sa droite, et d’entendre ces paroles : « Venez, bénis de mon Père, et recevez le royaume qui vous est tu préparé dès l’origine du monde3»; voilà qu’est venu le démon de midi, c’est-à-dire que le feu de la persécution s’est allumé dans sa violence, et sous le coup de l’effroi, ils sont déçus dans leur espérance de juger; c’est d’eux qu’il est dit : « Mille tomberont à côté de vous ». D’autres seront déçus dans l’espoir d’une récompense de leurs bons offices, et c’est d’eux qu’il est dit: « Dix mille tomberont à votre droite » . « Quant à vous», qui êtes la tête et le corps, la ruine et le démon de midi « n’approchera point de vous », parce que le Seigneur connaît ceux qui lui appartiennent4.