2.
Hier déjà nous avons expliqué ces versets : n’en disons qu’un mot aujourd’hui. « Celui qui habite sous l’appui du Tout-Puissant, demeure sous la protection du Dieu du ciel1». A propos de ces versets, nous l’avons dit à votre charité, ne mettons point notre confiance en nous-mêmes, mais bien en celui qui est pour nous toute la force, La victoire nous vient en effet de son secours, et non de notre présomption. Le Dieu du ciel nous protégera donc si nous lui disons ce qui suit : « Il dira au Seigneur: Vous êtes mon appui, mon refuge et mon Dieu; en lui je veux espérer. Car c’est lui qui me délivrera des pièges des chasseurs, et de la parole amère2 ». Nous avons dit que la crainte des paroles amères en fait tomber un grand nombre dans Je filet des chasseurs. On insulte un homme parce qu’il est chrétien; et il se repent de s’être fait chrétien, et la parole amère le fait tomber dans le piége du diable, en sorte qu’il ne demeure point comme le froment dans la grange, mais qu’il s’envole avec la paille. Quant à celui qui espère en Dieu, il échappe au piège des chasseurs et à la parole amère. Mais quelle est alors la protection de Dieu? « Il te fera un ombrage de ses épaules3 » ; c’est-à-dire qu’il te placera sur son coeur, afin de te couvrir de ses ailes : pourvu que tu reconnaisses ta faiblesse, et que, semblable au faible poussin, lu veuilles échapper au vautour en cherchant un refuge sous les ailes de ta mère. Ces vautours sont les puissances de l’air, le diable et ses anges, qui cherchent à profiter de notre faiblesse. Fuyons sous les ailes de la sagesse notre mère, car la sagesse est devenue faiblesse à cause de nous, quand le Verbe s’est fait chair4. Comme une poule devient faible avec ses poussins5, afin de les couvrir de ses ailes; ainsi Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui, ayant la nature de Dieu, n’a point cru que ce fût une usurpation de s’éga1er à Dieu, afin de participer à nos faiblesses, et de nous protéger sous ses ailes , s’est anéanti jusqu’à prendre la forme de l’esclave, en se rendant semblable aux hommes, et reconnu pour homme par tout ce qui a paru en lui6. « Et vous espérerez sous ses ailes. Sa vérité vous couvrira d’un bouclier, et vous ne craindrez point la frayeur de la nuit7 ». Les tentations de l’ignorance sont les craintes nocturnes, et les péchés commis sciemment, la flèche qui vole pendant le jour. Car la nuit est l’image de l’ignorance, comme le jour le symbole de la manifestation. Or, les uns pèchent dans l’ignorance, et les autres sciemment. Pécher dans l’ignorance, c’est être supplanté par la frayeur de la nuit; pécher sciemment, c’est être percé par la flèche qui noie en plein jour. Or, quand ces chutes ont lieu dans de grandes persécutions, qui sont comme le grand jour, celui qui succombe alors, tombe sous le démon de midi. Plusieurs sont tombés sous la violence de ces feux, comme nous le disions hier, parce que dans ces persécutions cruelles, il était dit que les chrétiens seraient tourmentés jusqu’à ce qu’ils eussent abjuré le christianisme. Tandis qu’auparavant on les frappait à cause de leurs aveux, on les tourmenta ensuite jusqu’à l’abjuration. Pour un criminel, on le torture tant qu’il nie; pour les chrétiens, c’était l’aveu qu’on torturait, la négation qu’on renvoyait libre. La persécution était donc comme une fournaise ardente, et alors quiconque succombait, était la proie du démon de midi. Or, combien succombèrent? Beaucoup qui espéraient s’asseoir parmi les juges auprès du Christ, tombèrent à côté, ainsi que beaucoup d’autres qui comptaient sur une place à sa droite, comme ces fournisseurs de la sainte milice qui préparent des vivres, et à qui on doit dire : « J’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger8 »; car il y en aura beaucoup à la droite; ceux-là ont vu leur espérance trompée; et comme ils sont là en grand nombre, c’est de là que le plus grand nombre est tombé; ceux, en effet, qui doivent siéger avec le Seigneur pour le jugement, sont moins nombreux que ceux qui se tiendront devant lui, mais dont la condition sera bien différente. Les uns seront à gauche, les autres à droite: les uns devront régner, les autres subir le châtiment; les uns entendre : « Venez, bénis de mon Père, recevez le royaume »; les autres : « Allez au feu éternel, qui a été préparé au diable et à ses anges». Donc « le démon de midi en fera tomber mille à côté de vous, et dix mille à votre droite; mais le mal n’approchera point de vous9 ». Qu’est-ce à dire? Le démon du midi ne vous renversera point. Quelle merveille, qu’il ne renverse pas le chef? Mais il ne renverse pas non plus ceux qui adhèrent au chef, ainsi que l’a dit l’Apôtre: « Le Seigneur connaît ceux qui sont à lui » ». Il en est que Dieu a prédestinés de telle sorte qu’il connaît qu’ils appartiennent à son corps; et dès lors que la tentation ne les approche point de manière à les faire tomber, on comprend que c’est d’eux qu’il est dit : « Le mal n’approchera point de vous10 ». Mais de peur que les faibles ne viennent à considérer les pécheurs, à qui Dieu a laissé une telle puissance contre les chrétiens, et qu’ils ne disent: Telle est la volonté de Dieu qui laisse aux impies et aux scélérats un tel empire sur les serviteurs de Dieu; considère quelque peu de tes yeux, des yeux de la foi, et tu verras ce qui est réservé pour le dernier jour à ces impies, qui ont tant de pouvoir pour te mettre à l’épreuve. Voici la suite en effet: « Toutefois tu considéreras de tes yeux, et tu verras le sort des pécheurs11 ».