7.
Que dire de ceux qui vivent dans l’impiété et qui sont florissants? Ces pensées troublent l’esprit d’un homme qui perd le repos. Il voit qu’il a passé tous les jours de sa vie dans les bonnes oeuvres, et que néanmoins il est dans la misère, qu’il est dans la pauvreté, que peut-être il a faim, il a soif, il est dans la nudité, peut-être en prison, nonobstant le bien qu’il fait, tandis que celui qui l’a condamné à la prison est un homme d’iniquité, et néanmoins dans la joie; alors dans son coeur se glisse une pensée détestable contre Dieu; et il dit: O Dieu, à quoi bon vous servir, à quoi bon obéir à vos paroles? Je n’ai point ravi le bien d’autrui, je n’ai commis ni larcin ni homicide, je n’ai convoité le bien de personne, je n’ai porté aucun faux témoignage, je n’ai outragé ni mon père ni ma mère; jamais je n’ai adoré les idoles, ni pris en vain le nom du Seigneur, mon Dieu ; je me suis abstenu de tout péché. Il énumère ainsi les dix codes, ou les dix commandements de la loi1; il sonde sa conscience sur chacun d’eux, et il voit qu’il n’en a point violé, pas même un seul, et il s’attriste de passer par tant d’afflictions. Quant à d’autres cependant, je ne dis point qu’ils touchent à quelques-unes de ces cordes; ils ne touchent pas même le psaltérion: ils ne font aucune bonne oeuvre, ils consultent les idoles; ils paraissent être bons chrétiens, parce que leur maison ne souffre aucun dommage; leur survient-il quelque affliction, ils ont recours aux pythonisses, aux magiciens, aux sortilèges. On leur parle du nom du Christ, ils s’en raillent, ils grimacent. On leur dit Vous avez la foi, et vous consultez les sorts? Arrière, vous disent-ils; ce sont eux qui m’ont conservé mon bien, sans eux je perdais tout; je serais demeuré dans l’affliction. Homme naïf, ne marques-tu pas ton front du signe du Christ? Et sa loi vous défend tout cela. Tu te réjouis de tes biens que tu as conservés, et tu n’es pas triste d’être perdu toi-même? Combien vaudrait-il mieux avoir perdu ton vêtement, qu’avoir perdu ton âme? Néanmoins il se rit de tout; il outrage ses parents, il hait ses ennemis, les poursuit à mort; il dérobe, s’il en trouve l’occasion; il n’évite point le faux témoignage; il tend des pièges au mariage des autres; il convoite le bien d’autrui; il fait tout cela : et néanmoins il est dans l’abondance, dans les honneurs, dans les dignités du siècle. Ainsi le voit ce pauvre qui fait le bien, qtai souffre, et qui dès lors se trouble en disant : O Dieu, les méchants sans doute vous plaisent, et vous haïssez les bons, pour aimer ainsi les hommes d’iniquité. S’il oient à se troubler et à se laisser entraîner à cette pensée, il bannira la paix de son coeur. Dès lors, il ne comprend plus ces beaux cantiques, il s’en éloigne, et il répète sans sujet : « Il est bon de chanter le Seigneur, et de chanter des hymnes à votre nom, ô Très-Haut ». Et cet homme n’ayant plus le sabbat intérieur, ni le coeur en repos, et bannissant de son coeur toute bonne pensée, cherche à imiter celui qu’il voit fleurir au milieu des désordres , et il se laisse aller aux désordres qu’il voit commettre. Mais Dieu est patient parce qu’il est éternel, et il connaît le jour du jugement où il examinera toutes choses.
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Exod. XX, 1-17. ↩