2.
Une doctrine si simple, si vraie, qui apprend aux hommes de bien à aimer la justice elle-même, à chercher par elle à plaire à Dieu, à reconnaître qu’il répand dans nos âmes une lumière invisible qui nous prépare aux bonnes oeuvres, et à préférer, à tous les biens qui nous captivent ici- bas, cette lumière de la sagesse, un tel enseignement provoque les murmures des hommes ; et s’ils ne s’exhalent de leurs bouches, ils rongent du moins leurs coeurs. Que disent-ils donc ? Est-il vrai que je plaise à Dieu par la justice? Que les justes lui plaisent, quand sa providence laisse fleurir ainsi les méchants ? Ils sont si criminels, et ne sont point châtiés. Et s’il leur arrive quelque mal, que vont-ils nous répondre, si nous leur disons : Voyez quelle vengeance Dieu a tirée des crimes de cet homme? quelle fin malheureuse ! Ils vous énumèrent tous les justes qui ont essuyé quelque malheur, et nous les opposent en disant: si cet homme a essuyé des malheurs à cause de sa méchanceté, pourquoi donc a-t-il été traité de la sorte, ce juste qui a vécu si saintement, qui a fait tant d’aumônes, tant de bonnes oeuvres dans l’Eglise, pourquoi une fin si tragique? Pourquoi cette ressemblance entre sa mort et la mort de cet homme si coupable? Ce langage fait voir que s’ils ne commettent point le mal, c’est qu’ils ne peuvent, ou qu’ils n’osent. Car la langue rend ici témoignage des volontés du coeur. Mais leur langue demeurât-elle muette et perdue par la crainte, que Dieu verrait encore intérieurement les pensées des hommes, qu’un autre homme ne saurait découvrir. Ce sont donc les pensées des hommes, pensées secrètes, ou qui se manifestent par des actes ou des paroles, que notre psaume veut guérir: si les malades veulent être guéris, qu’ils écoutent, et qu’ils se guérissent. Dieu veuille que dans cette foule rassemblée dans l’enceinte de cette église, et qui entend par ma bouche la parole de Dieu, il n’y ait personne à guérir de cette maladie. Oui, qu’il n’y ait personne. Et quand bien même il n’y aurait ici aucune de ces blessures, il n’est pas inutile d’en parler. Il faut apprendre à vos coeurs à guérir ceux qui tiendront de semblables discours. Tout chrétien, je me le persuade facilement, s’il est fidèle, s’il se confie en Dieu, s’il met son espérance dans l’avenir, et non sur cette terre, et en cette vie, s’il n’entend pas inutilement ces paroles: Vos coeurs en haut, méprise ces récriminations s’il les entend, plaint ceux qui profèrent de semblables murmures, et se dit en lui-même : Dieu sait ce qu’il fait, et nous ne pouvons pénétrer ses conseils, ni comprendre pourquoi il pardonne aux méchants pour un temps, et pourquoi il afflige dans le temps ceux qui le servent. Il me suffit que l’affliction du juste doive passer, comme le bonheur des méchants. Celui qui en est là est donc en sûreté, et supporte facilement le bonheur des impies ; il supporte également, il tolère l’affliction des bons, jusqu’à la fin du siècle, jusqu’à ce que l’iniquité soit passée. Il jouit déjà du bonheur, Dieu l’a déjà instruit de sa loi, lui a quelque peu adouci la rigueur des mauvais jours, jusqu’à ce que l’on creuse une fosse aux pécheurs. Que celui qui n’en est point encore là nous écoute, et reçoive de notre bouche ce qu’il plaît au Seigneur; ou plutôt, que Dieu parle à son coeur, lui qui voit mieux que nous ce qu’il y doit guérir.