11.
« Car c’est lui qui est le Seigneur notre Dieu1 ». Mais qui sommes-nous, pour nous prosterner et pour pleurer devant Dieu en toute sécurité? « Nous sommes le peuple de son pâturage, les brebis de ses mains ». Vois comme le Prophète a sagement changé l’ordre des mots; il néglige leur acception propre, afin de nous faire comprendre que ces mêmes brebis sont des peuples. Il n’a point dit : Les brebis de son pâturage, et les peuples de ses mains, ce qui paraîtrait plus naturel , puisque les brebis sont en rapport avec les pâturages; mais il dit : « Le Peuple de son pâturage ». Donc ce peuple désigne des brebis, puisqu’il est dit : « Le peuple de son pâturage », et ce peuple sont ses brebis. Mais parce que les brebis que nous avons, sont les brebis que nous achetons, et non les brebis que nous avons faites, et que le Prophète avait dit plus haut : « Prosternons-nous devant Celui qui nous a faits »; il a raison de dire ensuite: « Les brebis de ses mains ». Nul homme ne se fait des brebis: il peut en acheter, en recevoir, en trouver, en rassembler, et même en voler; il ne saurait en faire. Quant à notre Dieu, c’est lui qui nous a faits ; aussi sont-ils « le peuple de son pâturage, et les brebis de ses mains », ceux qu’il a formés pour lui par sa grâce. Telles sont les brebis qu’il célèbre dans le Cantique des cantiques, en appelant les plus parfaites dans son Eglise, les dents de cette sainte épouse : « Vos dents sont un troupeau de brebis, nouvellement tondues, remontant du lavoir, portant un double fruit, sans que nulle soit stérile2 ». Qu’est-ce à dire : « Vos dents? » Ceux par qui vous parlez : les dents de l’Eglise ou ceux qui portent sa parole. A quoi ressemblent ces dents? « A un troupeau de brebis tondues». Pourquoi « tondues ? » Parce qu’elles ont déposé le fardeau du siècle. N’étaient-ils pas des brebis tondues, ces hommes dont je parlais tout à l’heure, et qu’avait dépouillés cette parole de Dieu : « Allez, vendez tous vos biens, donnez-les aux pauvres, et vous aurez un trésor dans les cieux; puis venez, et suivez-moi3 ». Ils ont accompli ce précepte, et sont venus sans toison. Et comme ils reçurent le baptême et crurent en Jésus-Christ, qu’est-il dit? « Qu’ils remontaient du lavoir », c’est-à-dire du bain qui les avait purifiés. « Toutes ont un double fruit ». Quel double fruit? Ces deux préceptes qui renferment la loi et les Prophètes: « Nous sommes donc le peuple de son pâturage, et les brebis de sa main ».