1.
Ces paroles du psaume : « Je me suis endormi, j’ai pris mon sommeil ; puis je me suis éveillé, parce que le Seigneur est mon protecteur ( Ps. III, 6 ) », nous font croire qu’il faut l’appliquer à la personne du Christ ; car elles conviennent beaucoup mieux à la passion et à la résurrection du Seigneur, qu’à ce fait que nous raconte l’histoire, que David s’enfuit devant la face de son fils révolté contre lui (II Rois, XV, 17 ). Et comme il est écrit des disciples du Christ: « Tant que l’époux est avec eux, les fils de l’époux ne jeûnent point (Matt. IX, 15 )»; il n’est pas étonnant qu’un fils impie soit la figure de ce disciple impie qui trahit son maître. Au point de vue historique, on pourrait dire, il est vrai, que le Christ a fui devant lui, alors qu’il se retira sur la montagne avec les autres, quand le disciple se séparait de lui ; mais au sens spirituel, quand le Fils de Dieu, la force et la sagesse de Dieu, se retira de l’âme de Judas, le démon l’envahit aussitôt, ainsi qu’il est écrit: « Le diable entra dans son cœur (Jean, XIII, 2 ) » ; on peut dire alors que le Christ s’enfuit de Judas; non pas que le Christ ait cédé devant le diable, mais bien qu’après la sortie du Christ, le diable prit possession. Cet abandon de la part de Jésus, est appelé une fuite par le Prophète, selon moi, parce qu’il se fit promptement. C’est encore ce que nous indique cette parole du Seigneur: « Fais promptement ce que tu fais (Ibid. 27 ) ». Il nous arrive aussi de dire en langage ordinaire : Cela me fuit ou m’échappe, quand quelque chose ne revient point à notre pensée, et l’on dit d’un homme très-savant que rien ne lui échappe. Ainsi la vérité échappait à l’âme de Judas quand elle cessa de l’éclairer. Absalon, d’après plusieurs interprètes, signifie, en langue latine, Paix de son père. Il paraît sans doute étonnant que, soit Absalon qui, selon l’histoire des rois, fit la guerre à son père, soit Judas, que l’histoire du Nouveau Testament nous désigne comme le traître qui livra le Seigneur, puisse être appelé Paix de son père. Mais un lecteur attentif voit que dans cette guerre, il y avait paix dans le coeur de David, pour ce fils dont il pleura si amèrement le trépas, en s’écriant : « Absalon, mon fils, qui me donnera de mourir pour toi ( II Rois, XVIII, 33 )? » Et quand le récit du Nouveau Testament nous montre cette grande, cette admirable patience du Seigneur, qui tolère Judas comme s’il était bon ; qui n’ignore point ses pensées, et néanmoins l’admet à ce festin où il recommande et donne à ses disciples son corps et son sang sous des figures; qui, dans l’acte même de la trahison, l’accueille par un baiser, on voit aisément que le Christ ne montrait que la paix au traître, alors que le coeur de celui-ci était en proie à de si criminelles pensées. Absalon est donc appelé Paix de son père, parce que son père avait pour lui des sentiments de paix, dont ce criminel était loin.