6.
« Le coeur méchant n’a pas eu d’accès auprès de moi1». Qu’est-ce à dire un coeur méchant? Un coeur tortueux. Qu’est-ce que le coeur tortueux? Le coeur qui n’est pas droit. Quand est-ce que le coeur n’est pas droit? Vois d’abord ce qu’est le coeur droit, tu sauras ce que peut être un coeur qui ne l’est pas. On appelle droit le coeur d’un homme qui ne repousse rien de ce que Dieu veut. Redoublez d’attention. Un homme demande à Dieu que je ne sais quoi ne lui arrive point, mais sa prière ne l’a point détourné. Qu’il redouble ses prières de tout son pouvoir; ce qu’il veut éviter lui arrive contre sa volonté: qu’il se soumette alors à la volonté de Dieu, et ne résiste point à cette volonté si grande. C’est ce que nous apprend l’exemple du Sauveur lui-même, qui veut personnifier eu lui notre infirmité, et quai s’écrie, au moment de souffrir: « Mon âme est triste jusqu’à la mort2». Et pourtant il ne craignait pas la mort, lui qui avait le pouvoir de donner sa vie, et aussi le pouvoir de la reprendre3. Et Paul, ce soldat et serviteur du Christ, s’écrie : « J’ai combattu un bon combat, j’ai gardé ma foi, j’ai achevé ma course; il ne me reste qu’à attendre la couronne de justice, que me rendra en ce jour le Seigneur qui est juste juge4». Il tressaille parce qu’il va mourir ; et son Seigneur, son chef est triste devant la mort! Le serviteur vaut donc mieux que le chef? Alors que devient cette parole du divin Maître : « Il doit suffire au serviteur d’être comme son Seigneur, et au disciple d’être comme son maître5?, Voilà que Paul est brave en face de la mort, et que le Seigneur est triste. « Je désirais », dit-il, « ma dissolution, afin d’être avec le Christ6». Paul est dans la joie en face de la dissolution, afin d’être avec le Christ, et le Christ sera dans la tristesse, lui avec qui Paul se réjouit d’être un jour? Qu’est-ce que cette parole, sinon Le cri de notre infirmité? Beaucoup d’hommes faibles sont encore attristés en face de la mort; mais qu’ils aient le coeur droit, qu’ils évitent la mort autant qu’ils le pourront; et s’ils ne le peuvent, qu’ils disent ce que le Seigneur a dit, non pour lui, mais pour nous. Qu’a-t-il dit? « Mon Père, s’il est «possible, que ce calice s’éloigne de moi». Telle est bien l’expression de la volonté humaine: vois que déjà le coeur est droit: « Néanmoins, ô mon Père, que votre volonté se fasse, et non la mienne7 ». Si donc le coeur droit suit le Seigneur, le coeur dépravé lui résiste. Qu’il lui arrive quelque chose de fâcheux, et il s’écrie : O Dieu, que vous ai-je fait? Quel est mon crime? Quelle faute ai-je commise? Il veut être juste, et que Dieu soit injuste. Quel manque de droiture! C’est peu d’être tortueux, on veut encore que la règle soit faussée. Corrige-toi d’abord, et alors te paraîtra droit celui dont tu t’es éloigné. Ses actes sont justes, les tiens injustes; et tu es dépravé, parce que tu donnes le nom de juste à l’homme, à Dieu celui d’injuste. Quel homme appelles-tu juste? Toi-même. Dire en effet : Que vous ai-je fait? c’est te croire juste. Mais que Dieu te réponde : li est vrai que tu ne m’as rien fait, tu as toujours agi pour toi. Car en agissant pour moi, tu eusses fait le bien. Tout le bien que l’on fait, c’est pour moi qu’on le fait, puisque c’est pour obéir à mon précepte. Tout le mal que tu commets, tu le fais pour toi, et non pour moi; car le méchant, dans ce qu’il fait, n’agit que pour lui, puisque je ne lui commande Point ces actes. Mes frères, quand vous rencontrerez ces hommes, avertissez-les, reprenez-les, corrigez-les: et si vous ne pouvez les reprendre ou les corriger, ne vous attachez point à eux, afin de pouvoir dire: « Le coeur pervers n’a eu nul accès auprès de moi ».