5.
Mais pour t’embellir, j’ose le déclarer, il t’a aimée dans ta laideur. Qu’est-ce à dite qu’il t’a aimée dans ta laideur? «Le Christ, en effet, est mort pour les impies1 ». Quelle vie ne te réserve pas, quand tu seras justifiée, celui qui est mort même pour les impies? Le voilà donc beau, « le plus beau des enfants des hommes », celui qui était le plus juste des hommes, et qui, venant trouver une épouse difforme, je le dirai, puisque je le trouve consigné dans les Ecritures, est devenu lui-même difforme. Ce n’est point moi qu’il faut écouter ici, de peur que je n’aie avancé trop légèrement cette parole. Mais en disant que Jésus Christ a aimé son Epouse lorsqu’elle était difforme encore, de peur de parler d’une manière inexacte pour ceux qui aiment le Christ, je me suis appuyé d’un témoignage, et j’ai dit ce qu’a dit l’Apôtre : veux-tu savoir comment il a aimé celle qui était laide encore? « Le Christ est mort pour les impies », De même, comment prouver que le Christ, en venant trouver cette épouse difforme, est devenu lui-même difforme afin de l’embellir: comment le prouver, si l’Ecriture elle-même ne venait à mon aide, en disant tout d’abord qu’ « il est supérieur en beauté aux enfants des hommes? » Et c’est encore dans l’Ecriture que je lis: « Nous l’avons vu et il n’avait ni apparence, ni beauté2 ». D’une part, « c’est le plus beau des enfants des hommes»; d’autre part, « nous l’avons vu, et il n’a ni apparence, ni beauté ». Le Prophète ne dit point : Nous ne l’avons pas vu, et dès lors, nous ne savons s’il avait apparence ou beauté ; mais « nous l’avons vu», dit-il, « et voilà qu’il n’avait ni apparence ni beauté ». Où donc l’a vu le Prophète qui nous dit: « Il surpasse en beauté tous les enfants des hommes? » Et où l’a vu celui qui dit: « Il n’avait ni apparence ni beauté ? » Ecoutez où l’a vu celui qui le proclame « le plus beau des enfants des hommes: étant Dieu par nature, il n’a pas craint de se dire égal à Dieu3 ». Il est donc bien supérieur aux hommes, puisqu’il est égal à Dieu. Je le comprends donc, je sais où l’a vu celui qui a dit: « Il surpasse en beauté tous les enfants des hommes ». Où l’ai-je vu, me dit le Prophète? Mais « dans la forme de Dieu ». Où donc l’as-tu vu, ô Prophète, dans la forme de Dieu ? Comment le voir en la forme de Dieu? « Les perfections invisibles deviennent compréhensibles par tout ce qui est visible4 ». Tout cela est fort bien, je comprends maintenant, et celui que tu as vu, et sous quel aspect tu l’as vu, et où tu l’as vu, et par où tu l’as vu. Qui as-tu vu? Notre Epoux. Sous quel aspect l’as-tu vu? « Supérieur en beauté aux enfants des hommes » .Où l’as-tu vu? « En la forme de Dieu». Par où l’as-tu vu? « Par ses ouvrages visibles que l’on comprend». Voyons maintenant ce que dit de lui l’autre Prophète, mais non pas un autre esprit; car ils ne sont pas en désaccord. L’un nous a montré celui qui est supérieur en beauté aux enfants des hommes, que l’autre nous montre ce que signifie : « Nous l’avons vu, et il n’avait ni apparence ni beauté». Un seul apôtre vient mettre en accord ces deux Prophètes; le résumé de saint Paul rend témoignage à chacun des deux Prophètes. D’une part, il est supérieur en beauté aux enfants des hommes, « Celui qui, étant Dieu par nature, n’a pas cru qu’il y eût usurpation à s’égaler à Dieu5». C’est que je retrouve encore ce qu’a dit l’autre Prophète, qu’il n’a ni apparence ni beauté : « Il s’est anéanti et a pris la forme de l’esclave; il a paru un homme, semblable aux autres hommes, par tout ce qui a été vu de lui; il s’est humilié, se rendant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix6». C’est donc avec raison qu’on l’a vu sans apparence ni beauté. C’est avec raison, qu’en face de la croix, ils branlaient la tète,en disant : Est-ce à quoi est réduit ce Fils de Dieu? « S’il est Fils de Dieu, qu’il descende de la croix7 ». Mais il n’avait alors ni éclat ni beauté. Or, je vous adjure, ô vous à qui déplaît ce Christ, n’a-t-il donc ni éclat ni beauté? O vous, qui branliez la tête devant la croix, qui ne l’affermissiez point dans ce Chef qui y était suspendu? N’est-il pas juste qu’elle soit branlante, la tête de ceux qui lui insultent, jusqu’à ce qu’il soit la tête des insulteurs, lui que l’on insultait alors? Mais voilà qu’il reprend sa beauté, et une beauté incomparable. Tes défis sont bien au-dessous de ce qu’il a fait. « S’il est Fils de Dieu », dis-tu, « qu’il descende de la croix ». Il n’est point descendu de la croix, mais il est sorti du sépulcre.