2.
Or, je vois entre le cent quatrième et le cent cinquième une liaison telle que le premier serait l’éloge du peuple de Dieu dans ses élus, dont il ne fait aucune plainte, ce qui me fait croire qu’il est question de ceux qui furent agréables à Dieu1; dans le suivant qui est le nôtre, il est question de ceux qui aigrirent le Seigneur, sans que Dieu néanmoins cessât de leur faire miséricorde. L’interlocuteur parle au nom de ceux qui se convertissent et implorent leur pardon, et nous donne pour exemple ceux qui furent grands pécheurs, et qui s’enrichirent néanmoins de la divine miséricorde. Notre psaume commence donc comme le précédent: « Confessez au Seigneur »; mais dans le précédent le Prophète ajoute: « Invoquez son nom ». Dans celui-ci : « Parce qu’il est bon, parce que sa e miséricorde est éternelle2». Le mot confession peut donc s’entendre d’une confession des péchés; car après quelques versets il est dit: « Nous avons péché avec nos pères, nous avons commis l’injustice; nous nous sommes livrés à l’iniquité3 »; mais quand il dit : « Parce qu’il est bon, parce que sa miséricorde est éternelle », c’est une louange à Dieu, et dans cette louange une confession. Et toutefois, dès qu’un homme confesse à Dieu ses péchés, il doit le faire en louant Dieu; et nulle confession n’est pieuse, si elle ne vient sans aucun désespoir implorer la divine miséricorde. Elle est donc toujours une louange du Seigneur, soit en paroles, quand elle publie sa miséricorde et sa bonté, soit par le sentiment, quand elle est un acte de foi en cette miséricorde. Voyez le publicain; on ne rapporte de lui que ces paroles : «Seigneur, soyez-moi propice, à moi, qui suis pécheur4 ». Il n’ajoute point, il est vrai, parce que vous êtes bon et miséricordieux, ou quelque chose de semblable, mais s’il ne le croyait, il ne parlerait point de la sorte; car il a prié avec espérance, et l’espérance ne peut exister sans la foi. On peut donc louer Dieu d’une manière vraie et pieuse, sans accuser ses péchés; et cette louange prend souvent dans l’Ecriture le nom de confession; mais on ne peut avouer ses fautes d’une manière utile et pieuse sans louer Dieu, ou de coeur, ou de bouche et en paroles. Dans quelques manuscrits on lit: « Parce qu’il est bon » ; en d’autres : « Parce qu’il est doux ». L’expression grecque Xrestos, a donné lieu à cette double traduction. De même ici: e Parce « que sa miséricorde est dans le siècle », in saeculum; nous lisons dans le grec eis ton aiona, que l’on peut traduire par éternellement, in aeternum. Si donc il s’agit de cette miséricorde par laquelle on ne saurait être heureux sans Dieu, il vaut mieux dire éternellement, in aeternum; mais si l’on entend cette miséricorde qui s’incline vers les malheureux, pour les soulager dans leur misère ou les en délivrer, il est mieux de traduire in saeculum, dans le siècle, c’est-à-dire jusqu’à la fin des temps, qui aura toujours des malheureux àqui Dieu fera miséricorde. A moins d’aller jusqu’à dire que la divine miséricorde ne fera point défaut même à ceux qui seront damnés avec le diable et les anges, non que Dieu les délivre de cette condamnation, mais parce qu’il y apportera quelque soulagement: et dans ce sens Dieu aurait pour leur misère éternelle une miséricorde éternelle. Nous lisons, il est vrai, que pour plusieurs le châtiment sera moindre en le comparant au châtiment des autres; mais que la peine d’un damné soit adoucie, ou qu’il y ait à quelques intervalles une pause dans ses douleurs, qui oserait l’affirmer, quand le mauvais riche n’obtint pas une goutte d’eau5? Mais il faudrait à loisir traiter une matière si importante : ce que nous en avons dit, doit suffire pour l’explication de notre psaume.