12.
« Avec vous est le commencement au jour de votre puissance1 ». Quel est pour le Christ ce jour de sa puissance? Quand le commencement sera-t-il avec lui ? Quel commencement, ou de quelle manière le commencement sera-t-il avec lui, puisqu’il est lui-même le commencement? Que Dieu me soit en aide, afin qu’il n’y ait rien d’obscur ni pour moi qui explique, ni pour vous qui écoutez. Je vois ce qui est déjà fait, je le vois avec vous des yeux de la foi : les yeux du corps me montrent ce qui se fait maintenant, et les yeux de la foi me font espérer dans l’avenir. Qu’est-ce donc qui est déjà fait? qu’est-ce qui s’accomplit maintenant? que doit-il arriver un jour? Le Christ a souffert, il est mort, il est ressuscité le troisième jour, il est monté aux cieux, quarante jours après, comme nous savons, et il est assis à la droite de son Père. Voilà ce qui est accompli, ce que nous n’avons pas vu, mais ce que nous croyons. Qu’est-ce qui s’accomplit aujourd’hui ? II domine au milieu de ses ennemis, depuis que le sceptre de sa puissance est sorti de Sion:
voilà pour le présent. Les serviteurs du Christ qui l’ont vu présent, ont vu la forme de l’esclave ; les serviteurs y croient aujourd’hui qu’elle nous est dérobée. Au sujet de cette forme de l’esclave, nous croyons ce que nous en pouvons comprendre, tant que nous sommes serviteurs nous-mêmes. C’est le lait des petits enfants, qu’il proportionne à notre faiblesse, nous faisant passer le pain solide au moyen de la chair, Car ce pain des anges était au commencement le Verbe2 ; et pour que l’homme pût manger le pain des anges3, le Créateur s’est fait homme. C’est ainsi que le Verbe incarné s’est proportionné à notre faiblesse; car nous n’aurions pu le recevoir si le Fils égal à Dieu ne se fût humilié en prenant la forme de l’esclave, pour devenir semblable aux hommes, et être reconnu homme par tout ce qui paraissait de lui4. Afin donc que nous pussions comprendre en quelque manière Celui que des mortels ne pouvaient comprendre, l’immortel est devenu mortel; afin que par sa mort il nous rendit immortels, et nous donnât ainsi quelque chose à considérer, quelque chose à croire, quelque chose à voir un jour. Il offre à nos regards la forme de l’esclave que nous pouvons non-seulement voir des yeux, mais encore toucher de nos mains. Et quand cette forme s’éleva au ciel, il nous ordonna de croire ce qu’il avait fait voir aux disciples. Mais nous aussi nous avons de quoi voir. Pour eux ils ont vu le sceptre de la puissance qui sortait de Sion, et à nous il est accordé de le voir dominer au milieu de ses ennemis. Tout cela, mes frères, tient à l’économie de la forme d’esclave, que les esclaves tolèrent aujourd’hui, et qui aiguillonne l’amour de ceux qui seront un jour délivrés. Car c’est l’immuable vérité, qui est le Verbe de Dieu, Dieu en Dieu, par qui tout a été fait, qui renouvelle toutes choses en demeurant en elle-même5. Pour voir cette Vérité, il nous faut une grande, une parfaite pureté de coeur, qui nous vient parla foi. Après nous avoir montré la forme de l’esclave, le Christ a différé de nous montrer la forme divine. Car en disant, dans cette même forme d’esclave, à ses serviteurs : « Celui qui m’aime, garde mes commandements, et celui qui m’aime, sera aimé de mon Père, et moi je l’aimerai, et me montrerai à lui6», il leur promettait de se manifester à eux. Que voyaient-ils donc? Et lui, que promettait-il? Eux voyaient la forme de l’esclave, et lui, leur promettait de leur montrer la forme de Dieu. « Je me montrerai à lui », dit-il. Telle est la lumière à laquelle doit arriver ce royaume, qui se rassemble dans le cours des siècles il aboutit à cette ineffable vision que les impies ne mériteront point de partager. Du reste, quand la forme de l’esclave était ici-bas, elle fut vue des impies: les uns la virent pour croire au Christ, les autres la virent pour le mettre à mort. La voir n’était donc point un privilège, puisque ses amis et ses ennemis la voyaient également, quelques-uns qui la voyaient l’omit fait mourir, quelques autres qui ne la voyaient pas ont cru en lui. Cette forme donc de l’esclave qu’ont vue ici-bas dans son humilité les hommes pieux et les impies, les pieux et les impies la verront au jour du jugement. En effet, comme il montait au ciel en présence de ses disciples, la voix des anges se fit entendre, et leur dit: « Hommes de Galilée, pourquoi vous tenir là debout, en regardant le ciel? Ce même Jésus viendra un jour de la même manière que vous l’avez vu montant au ciel7 ». Il viendra donc, il viendra dans cette même forme, dont il est dit que les impies «verront Celui qu’ils auront percé8 ». Ils verront comme juge Celui qu’ils insultèrent quand il fut jugé. Cette forme donc de l’esclave sera au jugement visible pour le juste et pour l’injuste, pour le bon et pour le méchant, pour les fidèles et pour les incrédules. Qu’est-ce donc que ne verront pas les impies? Car ceux dont il est dit : « Ils verront Celui qu’ils ont percé », sont les mêmes dont il est dit aussi : « Qu’on bannisse l’impie, et qu’il ne voie point la clarté du Seigneur9». Qu’est-ce que tout cela, mes frères ? Examinons, discutons. Voilà qu’on aiguillonne l’impie afin qu’il voie ; et qu’on bannit l’impie afin qu’il ne voie point. Ce qu’il doit voir, nous l’avons montré dans cette forme dont il est dit : « C’est ainsi qu’il viendra10 ». Qu’est-ce donc qu’il ne doit point voir? « C’est moi-même que je lui montrerai11 ». Qu’est-ce à dire, « moi-même?» Non plus la forme de l’esclave. Qu’est-ce donc « moi -même ? » Cette forme de Dieu, dans laquelle j’ai cru, sans usurpation, être égal à Dieu12. Qu’est-ce que « moi-même?» « Nous sommes les enfants de Dieu, mes bien-aimés, et ce que nous serons un jour ne paraît point encore: nous savons que quand il apparaîtra, nous serons semblables à lui, puisque nous le verrons tel qu’il est13 ». C’est là cette clarté de Dieu, lumière ineffable, source de lumière qui est sans changement, vérité sans défaut, sagesse demeurant en elle-même, quand elle renouvelle toutes choses14. Telle est la substance de Dieu. L’impie sera donc banni afin qu’il ne voie pas la gloire du Seigneur. « Bienheureux les coeurs purs, parce qu’ils verront Dieu15 ».