3.
Mais, dans notre amour, que pouvons-nous aimer, si nous n’aimons l’amour lui-même? De là vient que cet étranger sur la terre, après avoir demandé à Dieu de ne point lui dérober ses commandements, dont le but unique ou du moins le but principal est l’amour, proclame aussitôt qu’il veut aimer l’amour lui-même, et s’écrie : « Mon âme aspire continuellement à désirer vos justifications1». C’est là un désir louable que Dieu ne condamnera point. Ce n’est point de ce désir qu’il est dit : « Tu ne convoiteras point2 »; mais c’est du désir que la chair oppose à l’esprit3. Quant à cette convoitise que l’esprit oppose à la chair4, vois ce qui est écrit, et tu trouveras : « Le désir de la sagesse nous conduit au royaume5 ». Beaucoup d’autres endroits nous montrent qu’il y a une bonne convoitise. Toutefois il y a cette différence, que l’on mentionne l’objet désiré, quand on prend la convoitise en bonne part; et que quand l’objet n’est point mentionné, quand on ne désigne que la concupiscence, on ne saurait la prendre qu’en mauvaise part. Ainsi dans le passage cité plus haut: « La concupiscence de la sagesse nous conduit au royaume », si le texte n’ajoutait: de la sagesse, on ne saurait dire: La concupiscence conduit au royaume. Au contraire, quand l’Apôtre nous dit: « Je ne connaissais point la convoitise, si la loi n’eût dit : Vous ne convoiterez point6 » ; il ne désigne point l’objet de la convoitise, ou ce que l’on ne doit point convoiter; car il est certain qu’en pareil cas on ne comprend qu’une convoitise illicite. Quelle est donc chez l’interlocuteur la convoitise de son âme? « C’est », dit-il, « de désirer toujours vos justifications ». Sans doute, qu’il ne les désirait point encore, puisqu’il souhaitait de les désirer. Or, ces justifications sont des actions justes, ou des oeuvres de justice. Mais, dès lors que désirer c’est n’avoir point encore, combien en est éloigné celui qui souhaite seulement de les désirer? Et combien plus éloignés ceux qui ne forment pas même ce désir?